Les Sentinelles 1 - La Sentinelle D'Argent

Chapitre 44 - Déserteur

Je fus réveillée en plein milieu de la nuit par le bruit d'une porte qu'on ouvre. Dans mon demi sommeil, je mis quelques instants à comprendre qu'il s'agissait de la porte de la cuisine donnant sur l'extérieur à l'arrière du QG, juste sous la fenêtre de notre chambre, qui était à l'origine de mon éveil. Je me levai et enjambai Zita pour ouvrir le rideau.La nuit était plutôt claire malgré la minceur du croissant de lune suspendu dans le ciel, et ça me permit d'apercevoir une ombre sur le chemin. La silhouette qui s'éloignait avec un sac à dos ressemblait trop à Lydie pour qu'il ne s'agisse que d'une simple coïncidence. C'était sa dernière trahison : changer complètement de bord. Je réveillai Sheila et Zita devant l'urgence de la situation.

- Réveillez les autres, Lydie s'enfuit ! Leur criai-je.

Je dois avouer que ce n'est pas vraiment le meilleur réveil dont on puisse rêver en plein milieu de la nuit. Constatant qu'elles étaient bien en train d'émerger de leur sommeil, j'ouvris la fenêtre et me laissai tomber d'un étage jusqu'au sol... en nuisette. L'entraînement m'avait fait gagner en confiance, avant j'aurais hésité une seconde supplémentaire avant de tenter le saut. Il fallait à présent rattraper Lydie et me mis à courir derrière elle qui marchait à présent, pensant être seule et tirée d'affaire. Je la rejoignis en quelques foulées supplémentaires et l'attrapai.

J'aurais dû prendre des chaussures ! Je vais avoir les pieds dans un sale état en rentrant !

- Où est ce que tu vas ? Lui demandai-je durement. Tu abandonnes le groupe pour lequel ton grand-père est allé jusqu'à donner sa vie ?

Son regard me transperça quand elle se retourna, il était d'une profondeur et d'une noirceur à m'en dresser les poils sur les bras. Elle me donna un puissant coup de coude et se débattit mais je tins bon et raffermis ma poigne sur son bras. Nous roulâmes à terre, les cailloux s'enfonçaient dans ma chair et les arbustes griffaient ma peau laissée à nu. Lydie échappa finalement à mon emprise et se releva pour s'enfuir en courant vers l'unique chemin qui permettait de quitter la propriété des Sentinelles. Elle s'engagea dessus et je la suivis, avec seulement quelques pas de retard.

- Lydie, arrête-toi s'il-te-plaît ! Parle-nous, dis-nous ce qui ne va pas, dis-nous pourquoi tu veux nous abandonner, la suppliai-je.

J'allai la rattraper lorsque j'entendis un bruit derrière moi, ainsi qu'un souffle. Quelqu'un me poursuivait. L'instant d'après, je dérapai sur le chemin pour faire face à mon pisteur. Et c'est avec une terrible stupeur que je me retrouvai nez à nez avec Colin. Il tenta de me frapper mais je fus plus rapide que lui et évitai son poing avant de le repousser à l'aide de mon pied sur son large torse.

Pour ceux qui se pose probablement la question, ne vous en faîtes pas, j'étais peut-être sortie en nuisette et sans chaussures mais j'avais quand même une culotte !

Colin tomba à la renverse et j'en profitai pour me remettre immédiatement à la poursuite de Lydie. Je saisi le bas de son tee-shirt quelques instants plus tard et tirai dessus, la forçant ainsi à s'arrêter dans sa fuite. Une voiture s'engagea au bout du chemin, nous pouvions distinguer ses phares au loin.

- Tu ne peux pas nous quitter Lydie, tu fais toujours partie des nôtres, tentai-je de la raisonner.

La voiture approchait et nous étions toujours en plein milieu du chemin.

- Anaïs, personne n'appartient aux Sentinelles, et j'ai déjà fait mon propre choix, me répondit Lydie.

Elle jeta un coup d'œil derrière moi avant d'achever sa phrase.

- Et ce n'est pas les Sentinelles que j'ai choisi.

On me frappa violemment la tête et je m'effondrai sur les graviers. Erreur de débutante : j'avais complètement négligé Colin, concentrée à tenter de raisonner celle qui était encore notre camarade avant de prononcer cette phrase. Phrase fatidique qui venait de sceller son sort déjà rendu incertain par sa première trahison et qui venait de faire d'elle une ennemie supplémentaire des Sentinelles.

Suite à ce coup, j'étais incapable de faire un mouvement sans éprouver une violente douleur. Mais, la pire des douleurs ce fut de voir Colin s'enfuir avec Lydie vers les bois tout en étant immobilisée au sol malgré l'urgence de la situation. Je me forçai donc à me redresser pour me mettre à genoux mais ma vision commença à se brouiller. Je rassemblai mes dernières forces internes pour tenter une attaque et je parvins à figer Lydie dans sa course grâce à l'Air.

La voiture s'était arrêtée sur le chemin. Lydie était toujours sous l'emprise de mon pouvoir, figée telle une statue et je ne la quittais pas du regard pour ne pas faiblir. Je sentais mon pouvoir m'envahir et devinai que ma métamorphose était en train de s'opérer lentement. Mais, pour mon plus grand malheur, Colin acheva ce qu'il avait commencé avec moi et me frappa une dernière fois sur la tempe et mon emprise sur Lydie céda en même temps que mes toutes dernières forces. Je m'effondrai à nouveau sur le chemin, ma vue emplie d'une multitude de petits points noirs. Cette fois-ci, Colin et Lydie s'éloignèrent pour de bon, je n'étais absolument plus capable d'intervenir.

Le chauffeur du véhicule était descendu et se dirigeait vers moi, je voyais sa silhouette devant les phares grandir au fur et à mesure qu'il s'approchait. Quelques instants plus tard, il était penché au-dessus de moi et me parlait mais tous les sons qui me parvenaient étaient entourés d'un nuage de coton. J'étais allongée sur le sol caillouteux et l'instant d'après, j'étais dans les bras du conducteur. Il me déposa sur la banquette confortable de son véhicule puis je sombrai enfin dans l'inconscience, en me demandant tout de même si, profitant de mon état de détresse, on n'était pas en train de me kidnapper...

Je repris vaguement connaissance à plusieurs reprises et à chaque fois les discussions étaient animées autour de moi, mais elles finirent par se tarir et je finissais toujours par retomber dans l'inconscience avant de parvenir à bouger ou ouvrir mes yeux.

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