~ Entracte 2 ~

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Zita ~ 19 ans

J'attrapai une autre photo de Teddy et moi parmi toutes celles étalées devant moi sur le tapis de son salon. Le dernier membre de ma famille avec qui j'avais un lien venait de m'être arraché et depuis mes émotions oscillaient sans cesse entre tristesse et colère suite à l'accident du centre commercial. Tristesse infinie pour mon oncle. Colère noire et dévastatrice contre la secte. Walter, Milla et Olga s'étaient isolés dans la cuisine pendant que je me perdais seule dans mes souvenirs d'enfance, d'adolescence et de jeune adulte. Il avait toujours été présent pour moi, il n'avait jamais failli et je le pensais invincible. Mais il avait été le premier à tomber sur le champ de bataille. La photo glissa entre mes doigts et je l'observai, le regard vide, achever sa course au milieu des autres. Rien ne serait plus comme avant.

Un téléphone sonna dans la cuisine, brisant mon cocon de souvenirs. J'essuyai du revers de la main les larmes dont je n'avais pas encore conscience jusque là sur mes joues. Une minute plus tard, les trois Sentinelles dans la cuisine en sortirent précipitamment.

- Zita, on va au lycée où étudie Anaïs, il y a des membres de la secte qui viennent d'y arriver, m'annonça Olga.

Je les suivis à l'extérieur, abandonnant les photos de mon passé sur le tapis.

*

Nous retrouvâmes le reste des Sentinelles devant le lycée une dizaine de minutes plus tard. L'effervescence régnait à l'intérieur de l'établissement : deux membres de la secte étaient pris au piège dans des arbustes en plein milieu de la cour. J'avais l'impression d'être émotionnellement détachée de mon corps depuis que j'avais pris conscience de ma proximité géographique avec les membres de la secte. Notre attention fut attirée vers le toit par un cri nous faisant tous lever la tête d'un même mouvement. Un homme habillé en noir se tenait au bord du toit en face de ce qui semblait être une jeune fille. La suite se déroula vite voir même trop vite, l'homme se laissa tomber en arrière du haut du bâtiment du lycée. Milla et Walter laissèrent échapper un cri en cœur tandis que je sentais un sourire cruel s'étirer sur mes lèvres. Le Corbeau allait s'écraser au sol. Mais soudain sa course changea et il redressa sa ligne de vol. Le sourire quitta mes lèvres. Je n'aimais pas les émotions et envies malsaines que je ressentais mais la mort de mon oncle me perturbait encore.

La deuxième personne sur le toit se lança dans le vide à la suite du membre de la secte, calquant sa trajectoire. Le vent fouettait sa capuche qui céda, libérant dans un éclat éblouissant une impressionnante chevelure argentée. Ma bouche s'ouvrit d'admiration tandis que je sentais mes yeux s'écarquiller. Cette jeune fille était peut être des notres. Elle attrapa le Corbeau par le col et ils se figèrent en l'air. La discussion semblait tendue puis soudain la fille tourna le visage dans notre direction. Mon souffle se coupa en la voyant s'approcher de nous pour nous livrer le membre de la secte. Je croisai deux iris argentés sous un masque blanc et le souffle me manqua à nouveau tandis que la chair de poule dressait les poils de mes bras et qu'un frisson me parcourait l'échine. Mais aucune de ces réactions n'était suscitée par la crainte, bien au contraire, j'aurais pu confier ma vie à ces deux prunelles couleur de lune.

Elle repartit en direction du toit du lycée et les remarques fusèrent toutes en même temps autour de moi tandis que je restais muette. J'avais besoin d'elle pour mettre fin au règne de terreur de la secte des Corbeaux mais je n'avais même pas son prénom.

- La Sentinelle d'Argent, laissai-je échapper du bout des lèvres.

Je finis par sortir de mon état de choc pour me reconcentrer sur ce qu'il se passait autour de moi. Anaïs et Robin discutaient du pull du lycée que la Sentinelle d'Argent portait, tout comme les trois quarts des élèves de l'établissement. Retrouver cette Sentinelle ne serait pas aisé mais je ne pouvais pas renoncer à l'idée de l'inviter à se joindre à notre lutte contre la secte. Peut-être serait elle capable d'éviter d'autres morts en plus de celle de mon oncle...

Nous quittâmes le lycée d'Anaïs un quart d'heure plus tard, le calme étant revenu dans l'établissement. Olga et Milla me raccompagnèrent chez mon oncle et s'installèrent dans le salon sur le canapé tandis que je retrouvai mes photos souvenirs. Très vite, la discussion s'orienta vers la Sentinelle inconnue. Olga et Milla étaient tout autant frustrées que moi de savoir cette Sentinelle dans la nature et non dans nos rangs, ou du moins pas clairement avec nous.

En repensant à la façon dont ses mains s'étaient crochetées au col du membre de la secte je trouvais que sa façon d'être, de se battre qui avait un petit côté sauvage, non apprivoisé. Elle avait tout l'air d'être un loup solitaire, un alpha en puissance n'ayant pas besoin d'une meute. Il suffisait de voir comment elle s'était sortie de son combat seule contre trois. L'éclat argenté de sa chevelure s'imposa à nouveau à mes pensées et la scène se joua encore et encore dans mon esprit. Elle allait finir par devenir une obsession. Mais l'un des détails le plus marquant restait les pupilles argentées qui pendant une fraction de seconde, où j'avais cessé de respirer, s'étaient posées dans les miennes.

Je commençai à ranger les photos de Teddy et moi dans leur boîte. Après son enterrement je ne pourrais plus me permettre la moindre faiblesse, la Sentinelle d'Argent avait besoin de partenaires fiables, sans faille et émotionnellement résistants. La Zita rendue faible par la mort de son oncle et trop sensible devait être enterrée en même temps que lui. J'attrapai le lacet en cuir au fond de la boîte à photos. Teddy m'avait toujours répété que le jour où je trouverais le but de ma vie, il m'accompagnerait jusqu'à le réaliser. Je nouai le lacet à mon poignet parce que je l'avais trouvé mon objectif : rallier la Sentinelle d'Argent à notre cause pour détruire la secte et ainsi venger mon oncle.

Les Sentinelles 1 - La Sentinelle D'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant