Chapitre 35 - Danse avec les lucioles

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Milla attrapa un énième mouchoir dans la boîte posée sur la table basse du salon du QG. Nous étions rentrés depuis près de deux heures mais le nombre de phrases échangées pouvait se compter sur une main. Olga tenta de renifler discrètement mais le bruit de son nez retentit dans la pièce. Pour la première fois, nous n'avions pas d'objectif et personne n'avait le cœur à donner des directives.

Alors à plus de minuit, nous attendions dans le salon tous ensemble. Nous attendions quoi ? Je n'en sais rien. Peut être que quelqu'un mette des mots sur la tristesse qui nous frappait à nouveau ou alors que quelqu'un prenne en main la situation. Et finalement, nous nous endormîmes tous dans le salon, vaincus par la tristesse et les heures de vol.

***

Le sommeil quitta peu à peu mes membres et je repris conscience de l'environnement qui m'entourait. J'étais couchée sur le tapis moelleux du salon du QG, juste à côté de Zita. Tous les autres dormaient encore, ce qui me sembla évident lorsque je vis que ma montre indiquait 4h30 du matin. Définitivement abandonnée par le sommeil pour au moins la demi-heure suivante, je décidai de me lever. Une fois debout, j'étirai lentement mes muscles et me dirigeai vers la cuisine en veillant à ne réveiller personne.

J'ouvris la petite porte de la cuisine donnant sur l'extérieur en essayant de faire le moins de bruit possible. L'air frais caressa mon visage et mes jambes laissées nues par mon short. J'exhalai un léger soupir et fis quelques pas à l'extérieur. Je me rendis compte que j'étais sortie pieds nus du QG.

Bah tant pis Anaïs, tu y penseras la prochaine fois...

Je continuai à avancer dans la nuit en suivant l'allée. La sensation sous mes pieds n'était finalement pas si désagréable. Mes pas me menèrent au cimetière des Sentinelles. J'eus la surprise de découvrir que l'olivier en son centre était un lieu prisé des lucioles une fois la nuit tombée. Le paysage qui s'offrait à mes yeux correspondait à l'image surnaturelle qui entourait les Sentinelles. Je m'avançai entre les pierres tombales pour me rapprocher du majestueux olivier où les lucioles tournaient autour de ses branches et de son tronc comme attirées par l'arbre. Moi même je fis encore quelques pas dans sa direction. L'atmosphère qui régnait ici à cet instant était à des années lumières de celle, sombre et déprimante, qui pesait pendant l'enterrement de Teddy.

Mes pieds nus foulèrent encore le sol en terre jusqu'à ce que je me retrouve à seulement un mètre de l'arbre. Je fermai les yeux et inspirai profondément en inclinant légèrement la tête en arrière. Je sentis une énergie puissante remonter depuis mes pieds tout le long de mon corps. La Sentinelle en moi s'éveillait au contact de cette puissance dont les tentacules caressaient l'intérieur de mon corps. Les lucioles n'étaient probablement pas là par hasard, elle devaient être autant attirées que moi par l'énergie surnaturelle que dégageait l'olivier. Je posai la paume de ma main contre l'écorce de l'arbre et ce fut comme une décharge. L'énergie qui remontait depuis mes pieds n'était qu'un filet d'eau à côté du torrent de puissance à l'état pur que je sentait traverser l'arbre à travers ma main.

Je reculai ma main comme brûlée par le contact de cette énergie avant de la tendre à nouveau vers l'écorce. J'effleurai du bout des doigts sa surface pour sentir à nouveau le courant d'énergie se déverser en moi, la sensation était grisante. Mue par un instinct incontrôlable je commençai à grimper à l'arbre puis m'installai à califourchon sur une branche à environ cinq mètres du sol. Je baissai les yeux sur le cimetière et retins un hoquet de surprise. Les lucioles se rassemblait en groupe au niveau de chaque tombe. Je clignai des yeux plusieurs fois en croyant rêver.

Les groupes de lucioles prenaient la forme de corps humains. Puis les corps se mirent en mouvement vers l'olivier. À proximité du tronc, les silhouettes se déformaient en tentacules de lumière qui s'élevaient en spirale autour du tronc et des branches. Avec l'apparence éthérée des corps, j'avais l'impression de voir des fantômes être attirés par l'arbre. Puis une pensée me frappa. Ce n'étaient pas des fantômes, non, l'énergie qui régnait autour de l'arbre provenait de l'âme de toutes les Sentinelles enterrées dans le cimetière. Une Sentinelle ne mourrait jamais vraiment, son énergie continuait à habiter notre monde. Walter et Teddy ne nous avaient pas vraiment quittés, leurs énergies étaient ici, avec celle des autres Sentinelles et un jour les nôtres seraient aussi parmi elles. Toujours traversée par l'énergie de l'olivier et des anciennes Sentinelles, je finis par m'assoupir sur la branche, la tête calée contre le tronc.

Mes rêves furent occupés par des fantômes, des anciennes Sentinelles et finalement Walter. Il se tenait devant moi dans une enveloppe charnelle jaune pâle et translucide. Sa voix, semblant être accompagnée d'une centaine d'autres, résonna dans mon esprit.

- Le destin des Sentinelles et l'avenir de l'humanité sont entre tes mains Anaïs... Anaïs !

La voix de Walter avait brusquement changé et ressemblait à présent à celle de... Zita ?

Je me réveillai en sursaut sur la branche de l'olivier. Zita était à l'entrée du cimetière et avançait vers mon perchoir. Les premiers rayons de soleil de la journée caressaient sa magnifique chevelure rousse, lui donnant des reflets encore plus marqués.

- Anaïs ? Appela-t-elle à nouveau d'une voix incertaine.

Je lui répondis cette fois et elle fit un bond de plusieurs centimètres avant de lever le regard vers moi.

- Qu'est ce que tu fais ici ? M'interrogea-t-elle. Quand on s'est réveillé tu n'étais plus avec nous.

Tout en parlant, elle s'approcha de l'arbre et commença son ascension pour me rejoindre.

- Je me suis réveillée en pleine nuit, commençai-je à expliquer lorsqu'elle fut installée à mes côtés, et j'ai eu besoin de sortir. Puis j'ai atterri ici. L'énergie qui règne dans cet endroit la nuit est absolument phénoménale. Et j'ai fini par m'endormir sur cette branche, ajoutai-je d'un air penaud en me grattant la tête.

- Tu viens prendre le petit-déjeuner avec nous ? Me demanda Zita en commençant à quitter l'arbre après mes explications.

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