Les Sentinelles 1 - La Sentinelle D'Argent

Chapitre 46 - Héritage

Raphaël continuait de me fixer dans les yeux en attendant patiemment ma réponse. Je ne pouvais pas lui dire, il ne fallait pas qu'il sache. Un pli se forma pendant une fraction de seconde au niveau du coin de son œil droit et sa mâchoire se contracta.

- J'attends toujours Anaïs.

Cette fois, son ton était beaucoup plus rude et une pointe d'agacement perçait dans sa voix.

- Tu ne veux quand même pas qu'on fasse ça dans une salle d'interrogatoire ?

La panique commença à me gagner, il fallait que je trouve une explication et vite de préférence.

- Anaïs ! Tu es enfin réveillée !

Zita se jeta sur moi.

- Si tu savais comme j'ai eu peur, je n'étais pas sûre d'avoir réussi à te protéger à distance avec mes pouvoirs, expliqua t-elle en me faisant un clin d'œil tout en tournant le dos à Raphaël. La prochaine fois, tu nous laisses gérer ça, pour l'instant tu es complétement inoffensive pour eux et ils pourraient te faire la même chose qu'à... la voix de Zita flancha quelques instants. La même chose qu'à mon oncle.

J'entrai dans son jeu pour essayer de balayer les soupçons de Raphaël.

- Je sais que je risquai gros mais vous étiez longues à émerger tandis que j'étais déjà bien réveillée. Mais j'ai ressenti tes pouvoirs pendant que nous nous sommes affrontés avec Colin. Merci pour ton aide Zita.

Cette dernière phrase était à double sens à mes oreilles et celles de Zita et j'espérai qu'elle ne le soit pas pour Raphaël.

- C'était toi qui agissait sur Lydie ? Demanda Raphaël encore un peu sceptique.

- Oui, tu as vu ? Je ne pensais pas en être capable si tôt, répondit Zita d'un ton enjoué.

Pour un peu, je m'y serais trompée si je ne connaissais pas la vérité, Zita avait un air tellement joyeux en racontant ses "exploits" que n'importe qui aurait pu la croire. Et Raphaël s'y trompa puisqu'il quitta la pièce après le récit de la Sentinelle rousse sans me poser de questions supplémentaires.

- On a eu chaud, souffla Zita en se laissant tomber sur le canapé à côté de moi.

- Oui mais ça devient un problème, lui murmurai-je.

Elle fronça les sourcils en me fixant de ses yeux noisettes.

- De quoi ?

- Que je sois incapable de contrôler les effets de mes pouvoirs sur mon corps. À chaque fois, il se produit une métamorphose physique sans que je puisse avoir la moindre maîtrise dessus. C'est comme si tout était instable en moi dans ces moments là, comme s'il me manquait quelque chose pour canaliser mes pouvoirs...

- Comme un artefact ?

Je haussai les épaules, à vrai dire je n'en savais rien, j'avais juste la sensation viscérale d'un vide quand la Sentinelle d'Argent prenait le contrôle de mon corps. Zita me laissa seule une dizaine de minutes plus tard en m'expliquant que je devrais peut-être me reposer encore un peu après ce que j'avais subi.

***

Éric déboula dans le salon tandis que je somnolais encore une fois sur le canapé.

- Anaïs, j'ai besoin de te voir immédiatement dans le bureau.

Après m'être étirée, je le suivis, étonnée par l'urgence que j'avais perçue dans sa voix lors de sa requête. J'entrai dans cette pièce située en face de la bibliothèque au dernier étage pour la première fois depuis que j'étais arrivée au QG. Un magnifique bureau en bois ancien trônait au fond de la pièce. Trois fauteuils étaient disposés en arc de cercle tandis qu'un unique fauteuil en cuir vert bouteille me faisait face de l'autre côté du bureau. Le même vert bouteille colorait les rideaux qui encadraient la grande fenêtre se trouvant sur le mur derrière le bureau. Je fis quelques pas sur le parquet reluisant après avoir fermé la porte derrière moi. Mon regard fut attiré par une grande tapisserie sur le mur en lambris à gauche. Un frisson me parcourut l'échine en la reconnaissant et je ne pus retenir un deuxième frisson lorsque mon regard en croisa un bleu électrique. Cette tapisserie je l'avais déjà vue. Dans un temple. Dans ma vision.

- C'est un héritage de nos ancêtres, commenta Éric en voyant que j'étais pétrifiée face à l'oeuvre.

Je hochai la tête en forçai mes jambes à me porter jusqu'au bureau où le père de Yoann m'attendait.

- On a reçu un message de notre notaire nous informant que Walter t'avait légué la clé ouvrant le premier tiroir de ce bureau. Donc cette clé est à toi.

Sur ces paroles, Éric déposa dans le creux de ma main une clé ronde plaquée or avec des arabesques sur son contour. Je refermai mes doigts dessus, ne sachant que répondre.

- Je te laisse en découvrir le contenu toute seule.

Sur ces mots, Éric me laissa seule dans la pièce. Je glissai la clé dans la serrure et fis un tour. Le cliquetis du verrou résonna entre les murs. Je tirai sur la poignée en fer en retenant mon souffle et découvris le contenu du tiroir qui m'était réservé.

Des papiers. C'est la première chose que je vis. Il y en avait qui paraissaient anciens et étaient jaunis par le temps. Je sortis cette pile pour avoir accès à ce qui se cachait en-dessous. Il y avait une photo où je reconnus presque sans peine les Sentinelles, quelques années auparavant. Ils posaient tous les six en souriant devant une grande étendue d'eau. On apercevait des gratte-ciels sur la berge de l'autre côté de l'eau dans le fond de la photo. C'était probablement Chicago. J'ignorais qu'ils étaient allés là-bas, mais au fond cela ne m'étonnait pas puisqu'il y avait beaucoup de choses que j'ignorais à leur sujet.

Je repris mon exploration du tiroir et trouvai ce que je pensais être une boussole. Ce n'était pas certain puisque le cadran était complètement dépourvu des inscriptions classiques nord, sud, est et ouest. Il y avait seulement une aiguille qui pointait dans ma direction. Je la posai sur la surface laquée du bureau à côté de la photo et de la pile de papiers.

Il restait encore des babioles au fond du tiroir et l'une attira mon regard. J'étais comme hypnotisée par cet objet et inconsciemment ma main se tendit vers lui et mes doigts s'étirèrent dans sa direction pour en effleurer la surface lisse. Une décharge traversa mon corps.

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