Chapitre 40 - Spleen

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Zita et moi fûmes réveillées par Sheila le lendemain matin. Si elle fût étonnée de nous trouver toutes les deux blotties dans mon lit, elle n'en fit pas la remarque. L'ambiance sombre était déjà palpable même si l'enterrement de Walter n'avait lieu que dans l'après-midi. Nous prîmes le petit-déjeuner toutes les trois dans la salle à manger et en pyjama. Les garçons n'étaient toujours pas réveillés et les anciennes Sentinelles introuvables. Le silence commençait à devenir pesant entre nous et Sheila tenta d'y mettre un terme.

- Alors cette soirée ?

Zita et moi échangeâmes un regard avant qu'elle ne réponde.

- Plutôt sympa, ça me rappelle notre vie d'avant l'Organisation, quand nous étions encore normaux, qu'on sortait le soir...

- Il faut se faire à l'idée que rien ne sera plus pareil, ajouta Sheila.

Au lieu de détendre l'atmosphère à table, ce début de conversation n'avait fait que la plomber encore plus et nous rendre plus moroses que nous ne l'étions déjà. Yoann et Robin débarquèrent à ce moment-là tout sourire dans la salle à manger.

- Bonjour les filles ! S'exclama Yoann de bonne humeur. Bonjour beauté, ajouta t'il en se glissant sur le banc à côté de Sheila et en la saisissant par la taille.

Nous répondîmes toutes les trois par de vagues bonjours marmonnés dans nos barbes.

- Oulà, nous coupa Robin, c'est pas vraiment la forme toutes les trois... Qu'est ce qu'il vous arrive ce matin ?

- Dois-je te rappeler qu'il y a l'enterrement de Walter cet après-midi, bougonnai-je à l'intention de Robin. C'est suffisant pour nous plomber le moral.

Le sourire de Yoann et Robin disparut presque instantanément. Je venais de jeter définitivement un froid à table. Pour égayer vos repas, faîtes appel à la génialissime Anaïs, ambiance polaire garantie !

*

J'aidai Zita à zipper la fermeture éclair du dos de sa robe noire tandis que Sheila enfilait ses ballerines noires puis nous quittâmes toutes les trois la chambre où nous nous étions préparées pour l'enterrement. Le ciel commençait à s'assombrir et le salon en était presque plongé dans la pénombre. Tous ensemble nous sortîmes du QG et marchâmes tel une procession jusqu'au cimetière des Sentinelles. Le cercueil fermé de Walter était déjà sur place. Je me plaçai entre Sheila et Zita en réajustant mon chemisier noir au niveau de mon pantalon, noir également. Éric se plaça face à nous, de l'autre côté du cercueil, il allait être notre maître de cérémonie.

Je vous épargnerai les détails déprimant de la cérémonie puisqu'elle fut encore plus difficile que la première. Nous venions de perdre un chef et tout cela nous rappelait également la perte de Teddy. Zita avait complètement fondu en larmes, les souvenirs de l'enterrement de son oncle devaient lui revenir violemment. De retour au QG, les anciennes Sentinelles s'isolèrent au salon et nous nous regroupâmes dans la bibliothèque au dernier étage. Sheila était blottie dans les bras de Yoann sur un des deux petits canapés, Robin affalé dans un fauteuil et Zita et moi assises sur les coussins au pied du mur couvert de livres. Lydie s'était enfermée dans sa chambre. Des tasses de chocolat chaud encore fumantes préparées par Sheila étaient posées sur la table basse.

- Vous avez réfléchi à la proposition de la CIA ? Demanda Yoann avant d'enchaîner en voyant que personne ne lui répondait. Je me disais que ça pourrait être une bonne idée. Leur formation pourrait nous éviter la mort pendant un affrontement avec la secte. Et puis j'ai lu leur contrat, on toucherait un salaire en tant qu'agent et on nous proposerait des formations de reconversion pour notre départ de la CIA. Finalement on a beaucoup à y gagner.

- Les contreparties ? L'interrogea Zita. Ils exigent forcément quelque chose de nous en échange de tout ça.

- Oui, qu'on soit «au service de la nation américaine», cita Yoann.

- Tant que ça ne signifie pas finir en sujet de laboratoire, moi ça me va, dis je en tentant une blague pour nous dérider.

- Non, sur la documentation que Raphaël nous a donnée à Miami, c'est précisé qu'on formerait l'USIS : l'Unité Surnaturelle d'Intervention Spéciale, nous expliqua Yoann. On pourra être amené à intervenir comme n'importe quel agent de la CIA mais en mieux. On est moins soumis à la haute autorité puisqu'ils estiment que nos capacités nécessitent un maximum d'autonomie.

- Alors on devrait peut-être accepter, suggéra Sheila après un petit silence.

- Votons, proposai-je.

Suite au vote à main levée, nous décidâmes à l'unanimité d'intégrer l'USIS mais nous préférions garder notre décision pour nous et en faire part à la CIA un peu plus tard. Après tout, nous étions encore en période de deuil. Yoann et Sheila sortirent faire une balade dans les bois entourant le QG, il fallait bien qu'ils passent un peu de temps que tous les deux. Ça doit être agréable d'avoir quelqu'un avec qui partager tous les bouleversements de nos vies sans briser la règle numéro une de l'Organisation. Je sais que je peux compter sur Zita mais ce n'est pas la même chose que Sheila et Yoann, la relation que j'ai avec notre rousse est purement amicale et beaucoup moins profonde et intime que celle de nos deux tourtereaux.

- Je vais déménager toutes mes affaires dans votre chambre, annonça Zita avant de quitter la bibliothèque à son tour.

Il ne restait que Robin et moi dans la pièce.

- Tu as vu ta mère ? Enfin, Cindy, me demanda Robin.

Je hochai la tête.

- Comment est ce que ça s'est passé ?

- Plutôt bien, en tous cas mieux que ce que je craignais. Elle m'a tout raconté, et elle s'est justifiée. Il n'y a plus de rancœur, enfin j'espère. Mais je vais avoir besoin d'encore un peu de temps pour intégrer le changement. Elle n'est pas ma mère biologique.

Robin tapota la place à côté de lui sur le canapé pour m'inviter à le rejoindre, ce que je fis l'instant suivant.

- La fête t'a changé les idées aussi, non ?

- Ça a dû fortement aidé, heureusement que je suis tombée sur Natacha en sortant de chez moi, m'exclamai-je.

- Natacha... elle était avec toi quand tu sortais du lycée le jour où Teddy... est mort, non ?

- Oui c'était la grande blonde, lui expliquai-je.

- C'est marrant, elle me fait énormément penser à Juliette, elles se ressemblent.

- Qui ?

- Juliette, ma copine, prononça Robin tandis que mon cœur ratait un battement.

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Les Sentinelles 1 - La Sentinelle D'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant