Chapitre 2 - La Marque

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- Je vois qu'elle est prête pour la longue soirée qui l'attend...

- On peut dire ça, mais elle n'ira surement pas là-bas le ventre vide ! Répliqua ma mère.

- Je suis d'accord avec toi, répondit la dame.

Je les suivis dans la petite salle à manger. L'envie de leur dire « Hé, je suis là, alors arrêtez de parler de moi comme si je n'étais pas là ! » me démangeait mais je m'abstins. La dame s'assit sur un des sièges rembourrés autour de la table et je fis de même en face d'elle. Ma mère s'éclipsa ensuite en cuisine, nous laissant seules dans la petite salle à manger.

- Je ne me suis pas présentée, je m'appelle Ludmilla mais tu peux m'appeler Milla. Je suis une tante de ton père, Anaïs.

- Tu l'as connu ?

Je me mordis la lèvre en me rendant compte de l'impolitesse dont je venais de faire preuve en la tutoyant mais Milla ne sembla pas m'en tenir rigueur.

- Oh, oui ! Nous nous voyions assez souvent. Est ce que tu sais que tu as les mêmes yeux que lui ?

- Oui, c'est ce que me répète sans arrêt ma mère... Et il paraît aussi que j'ai la même tâche de naissance que lui, et au même endroit.

Celle-ci était petite et pâle avec une forme circulaire. Elle se situait sur mon avant-bras droit. Milla regarda ma tâche de naissance et hocha la tête un peu pour elle même.

- Ce n'est pas vraiment une tâche de naissance, dit-elle enfin. C'est la Marque.

- La Marque ?

- Oui, Anaïs, tu as la Marque des Sentinelles comme ton père et c'est pour cette raison que je suis là ce soir.

- Expliquez-moi, Milla, je ne comprends pas vraiment.

Je ris nerveusement et attrapai mon verre pour boire une grande gorgée d'eau fraîche. Je devais avouer que là, franchement, j'étais perdue. Moi, une Sentinelle et j'avais la Marque ? Comme mon père... Et même si tout cela me paraissait absurde et me faisait légèrement douter de la bonne santé mentale de Milla, je voulais en savoir plus sur lui. Finalement c'était peut-être de ma santé mentale dont il fallait douter à présent. Milla me regarda en souriant. Je fus tentée, pendant un instant, de la ranger dans la case des fous que j'avais croisé durant ma vie.

- Tu es aussi curieuse que ton père, à croire que les traits de caractère se transmettent génétiquement. Ce soir, c'est la pleine lune rousse. Les Sentinelles actuelles vont bientôt confier le collier sacré à nouvelle génération de Sentinelles, mais elles doivent être capables de s'en servir. Et cette nuit, à cause de la particularité de la lune, va avoir lieu l'Initiation.

- Donc, si je comprends bien, je suis une Sentinelle et je dois passer l'Initiation ce soir, demandai-je.

-Oui, exactement. Mais tu dois être prudente. Il y a seize ans, l'année suivant ta naissance, ton père devait devenir une Sentinelle mais « ils » l'ont tué pour essayer de s'emparer du collier. Évidemment, ils ont échoué.

C'est quoi cette histoire ? Mon père est mort d'un accident de voiture aux dernières nouvelles ! Elle est en train de me raconter n'importe quoi ou ma mère a osé me cacher la vérité depuis le départ ?

Les informations que me livrait Milla au fur et à mesure me perturbaient énormément.

- Qui « ils » ?

Le visage de Milla s'assombrit et une lueur de crainte traversa son regard doré. Enfin, elle se décida à répondre à mon interrogation.

- On les appelle les Corbeaux parce qu'ils sont toujours habillés en noir, qu'ils convoitent le collier et qu'ils sont agressifs. Cela fait maintenant des siècles que leur secte et notre organisation s'affrontent pour la possession des pouvoirs du collier. Tu ne peux même pas imaginer ce qu'il se passerait si...

Elle fut interrompue par ma mère qui entra dans la pièce avec un plat de pommes de terre rissolées dans une main et une assiette sur laquelle reposait la viande dans l'autre. Elle les posa sur la table.

- Voilà, j'espère que je n'ai pas été trop longue ! S'exclama-t-elle enjouée.

- Non, Milla était en train de m'expliquer des choses très intéressantes sur mon père et moi que j'aurais préféré apprendre de la bouche de ma mère.

Je lui jetai un regard noir : me cacher des choses si importantes était scandaleux, voir impardonnable, mais heureusement pour elle je n'étais pas trop rancunière. D'ailleurs Natacha et Lily me disaient souvent que j'étais toujours trop gentille avec tout le monde et qu'on finirait par me marcher sur les pieds, et sans aucun scrupule. Ma mère jeta un regard entendu à Milla. Puis elle me regarda, les yeux emplis de tristesse.

- Je ne savais pas que ton père était une Sentinelle jusqu'au soir de sa mort. Quand j'ai appris que les Corbeaux l'avaient assassiné je me suis jurée de tout faire pour te protéger et préserver ton ignorance. Je me suis dit que moins tu en saurais, mieux ce serait. C'est aussi pour cette raison que tu n'as pas été mise au courant avant et que tu n'as pas rencontré d'autres membres de l'Organisation.

- Donc tu étais au courant de tout ? Lui demandai-je durement

- Non, pas de tout, déclara Milla. La première règle des Sentinelles, c'est que l'organisation est secrète. Si nous avons avoué à Cindy que ton père en était une, c'est seulement parce qu'il en était mort et que Cindy tenait dur comme fer à savoir de quoi était réellement mort ton père. Nous en avons profité pour l'informer que son enfant était lui aussi une Sentinelle, et cet enfant c'est toi.

Je regardai ma mère et essayai d'imaginer sa frustration de ne pouvoir être considérée digne de confiance. Il avait fallu attendre que mon père mourût pour que l'organisation des Sentinelles se décidât à tout avouer à ma mère.

- Et maintenant voir ta fille marcher dans ses pas, ça doit être dur pour toi.

Elle me regarda tendrement, des larmes embuaient son regard.

- Dépêche toi de manger avant que ton repas ne refroidisse...

Nous finîmes toutes les trois notre repas dans un silence presque religieux.

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Les Sentinelles 1 - La Sentinelle D'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant