Chapitre 42 - Le cercle

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Je sortis de ma contemplation et je me dépêchai pour ne pas être distancée par le petit groupe. Nous rentrâmes dans une vaste pièce, avec de magnifiques colonnes, où s'affairait trois femmes et deux hommes. Ils tournoyaient d'un bout à l'autre de la salle, virvoltaient d'une tâche à l'autre et semblaient accomplir un drôle de rituel dont ils maîtrisaient les moindres étapes sur le bout des doigts. Enfin, ils s'immobilisèrent, me permettant ainsi de comprendre à quoi ils s'étaient affairés avec une rigueur quasi scientifique.

Un large cercle blanc avait été tracé à la craie sur le sol en pierre du temple et quelques objets avaient été disposés sur son contour. Il y avait une plume, un petit cristal, une bille en bois et une autre en argile, une pierre volcanique et un granit. Les personnes qui, quelques secondes plus tôt, bougeaient dans tous les sens, s'étaient immobilisées derrière un objet. Tullia se mit derrière le dernier encore libre : la bille de bois. Elle releva les yeux vers le garçon.

- Tu sais ce que vous avez à faire, vous êtes nos sentinelles contre ces assassins sans cœur ni pitié. Devenir humain n'était pas entièrement une erreur mais nous allons retrouver notre enveloppe spirituelle et abandonner nos corps. C'est au nom de tous que je te demande de bien veiller sur nous, comme tu le fais déjà avec Alexia.

À ces mots, je vis le jeune homme porter une main à la chaîne dorée qu'il portait à son cou et que je n'avais pas remarquée. Je crois bien que j'étais en train d'assister à la création de l'organisation des sentinelles et que toutes les personnes en face de moi autour du cercle blanc étaient en réalité les Originels. Ce qui était étrange c'est qu'ils n'avaient pas l'air autant humain sur le livre que nous avait montré Éric dans la chambre d'hôtel à Miami.

- Nous jurons de vous protéger, nous et nos descendants seront à jamais vos sentinelles, répondit le jeune homme en chœur avec le vieil homme et la fillette.

Les six personnes qui formaient le cercle se prirent par la main et se mirent à chanter une mélodie triste, empreinte de regrets, de déception mais aussi pleine d'espoir. Le contour des chanteurs se floutta de plus en plus et leurs corps disparurent. D'eux, il ne restait que six sphères lumineuses éblouissantes qui intégrèrent les objets disposés sur le sol tandis qu'un cercle lumineux apparaissait sur les avant-bras des trois visiteurs en même temps que celui du sol disparaissait. La Marque. Le jeune homme ramassa tous les objets avant de les glisser à la chaîne autour de son cou. Puis le vieillard, la fillette et lui quittèrent le temple en direction du sud et de la même façon dont ils étaient venus : en courant.

D'un coup, il fit entièrement noir : le temple fut engloutit dans l'obscurité, le soleil s'éteignit et il n'y eut plus aucune trace du paysage qui m'entourait encore quelques secondes plus tôt. Puis un point lumineux apparut au milieu des ténèbres et s'aggrandit jusqu'à prendre la forme d'un corps gracieux. La voix du collier résonna à nouveau dans mon crâne mais sans douleur cette fois-ci.

À présent tu connais notre histoire. Le peuple grec nous vénérait, nous étions à cette époque leurs dieux, même s'ils ont fini par en choisir d'autres. Pour les aider, nous sommes allés au plus proche d'eux : nous sommes devenus humains. Seulement, un monstre assoiffé de pouvoir, de contrôle et qui en avait après nos capacités hors normes s'est mis en tête de faire main basse sur tous nos pouvoirs. Il a monté des foules contre nous à l'aide de discours reposant sur des mensonges et toute la haine qu'il avait pour nous. Il est finalement parvenu à créer des brigades d'hommes déterminés et violents qui lui obéissaient au doigt et à l'oeil. Quand c'est devenu vraiment invivable pour nous, nous avons abandonné notre enveloppe humaine, abandonnant par la même occasion à notre plus grand désespoir les personnes qui croyaient encore en nous et subissaient parfois la violence des milices menées par un seul homme plus cruel que cinquante dictateurs, plus violent que cent lions affamés, moins humain que le pire des tyrans. Nous avons continué à veiller sur eux à travers les Sentinelles mais notre champ d'action était devenu beaucoup plus restreint, limitant nos possibilités d'enrayer la montée en puissance de la secte. Notre seule consolation fut de se dire que s'il s'était emparé de nous la situation serait devenue destructrice pour l'humanité et donc que nous avions fait le bon choix. Mais nous aurions dû arrêter ce criminel tant qu'il en était encore temps et avant que sa secte ne prenne autant d'ampleur. Vous n'avez été confrontés qu'à quelques-uns des leurs mais leur implantation est mondiale.

- Qui es tu ? Finis-je par demander après ces dernières révélations. Et quel est ton pouvoir ?

Je ne peux malheureusement rien te dire sur ce sujet, tu le découvriras par toi-même.

- Pourquoi est ce que tu me demandes de te délivrer à chaque fois que tu te manifestes ?

Les autres Originels ont restreint mes pouvoirs avec un sceau magique parce qu'il grandissait trop vite et que j'avais de plus en plus de mal à le contrôler. À cette époque je devenais un danger potentiel pour moi-même et mon entourage. Mais aujourd'hui je suis parfaitement capable de me maîtriser et si tu veux vaincre définitivement cette secte qui nous traque depuis le commencement, tu auras besoin de toute l'étendue de mes capacités.

- Pourquoi moi ? Murmurai-je à la silhouette lumineuse de mon interlocuteur.

Je sais que tu te doutes pourquoi Anaïs, mais maintenant il faut absolument que ton esprit regagne ton corps, sinon tu pourrais ne plus jamais te réveiller...

Ce n'était pas la chose la plus rassurante qu'on m'ait dite...

*

La voix de Zita résonna sous mon crâne.

- Je l'ai trouvée inconsciente dans la salle de bain, ça fait plus d'une demi-heure qu'elle s'agite et marmonne des choses incompréhensibles.

- Son pouls est normal, elle a l'air plus calme depuis quelques minutes, répondit Milla.

J'ouvris péniblement les yeux pour poser mon regard sur le plafond de notre chambre.

- Elle est revenue à elle, s'exclama Sheila à mes côtés.

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