「𝟛𝟝」Hocus Pocus

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Asilah, Maroc – Août 1994

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Asilah, Maroc – Août 1994

J'espère que tout va bien de ton côté, et que tu ne t'es pas trop inquiété. Tu me manques. J'ai hâte de te retrouver à la rentrée. Embrasse Georgie et les autres pour moi.

Je t'aime.

Erzy

D'un geste las, Erzsébet replongea sa plume dans l'encrier, suspendant son mouvement au-dessus de la feuille encore fraîche. Elle relut la lettre en entier, le pied battant nerveusement contre le sol. Une goutte menaçait de tomber au beau milieu des mots soigneusement tracés ; elle essuya la plume contre la paroi du flacon bleu marine. 

La lettre lui semblait trop sèche, trop lisse – presque impersonnelle. Pas assez enjouée pour Fred. Du bout des doigts, elle tapota le petit bureau éraflé, hésitant à ajouter ce brouillon aux nombreux autres qui débordaient déjà de la corbeille.

Un cri de mouette la tira de ses pensées. À la fenêtre ouverte, elle leva les yeux vers la mer. Le bleu profond de l'Atlantique contrastait avec la blancheur fine du sable, évoquant des rivages méditerranéens. Les vagues fracassaient les rochers sombres de la corniche, tout près du vieux cabanon familial des Shafiq. L'air salé, dense et vivifiant, emplissait ses poumons. Le décor, sans fioriture, lui procura un calme inattendu.

— "Peut-être n'ai-je pas besoin d'en faire des caisses..."

Elle embrassa doucement le bas de la page pour y laisser une trace de rouge à lèvre, puis glissa la lettre dans une enveloppe parfumée.

— "Qamar, s'il te plaît, porte-la aux Weasley."

La vieille chouette, un peu bancale, agrippa l'enveloppe et s'élança par la fenêtre, s'effaçant bientôt dans l'horizon marin. Erzsébet s'approcha et tendit le cou par l'ouverture, apercevant au loin la silhouette de Feryel, allongée sur le ventre, flottant au large.

Sa sœur regardait les profondeurs, les yeux ouverts sous l'eau. Des anémones, des restes de coraux et des déchets plastiques dérivaient au gré des courants qui fouettaient son dos nu. L'eau était glaciale. 

Une heure s'était écoulée depuis qu'elle s'y était glissée, mais son corps refusait encore de s'y habituer. Chaque vague lui arrachait un frisson délicieux. Ses lèvres étaient bleues, ses extrémités engourdies. 

Plus le courant l'emportait, plus les ténèbres sous elle s'épaississaient – et plus elle y trouvait une forme de paix. Le froid l'éveillait, le vide l'absorbait.

Les ténèbres ne sont pas si effrayantes que ça, finalement... songea-t-elle.

— "Feryel, reviens ici immédiatement !"

La voix de leur grand-mère la fit émerger. Elle regagna le rivage à contrecœur.

— "Tu es folle, ma petite fille... Il y a trop de courant, et tu es si frêle..." s'inquiéta Ferdaous en lui tendant un verre de thé brûlant. 

Unutma ✞  𝚃𝚘𝚖 𝙹𝚎𝚍𝚞𝚜𝚘𝚛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant