Prologue

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Faïz


À l'aube de ce mardi matin, le moteur du fourgon ronronnait au feu rouge du carrefour de Arroz, non loin de Sacramento. À l'avant de cette ambulance se trouvaient Faïz et l'inspecteur Barthey, tous deux bien silencieux.

— Tu ne devrais pas être là, finit par lâcher doucement Karl à son interlocuteur.

Faïz fit mine de ne pas relever. En effet, il ne voulait pas rentrer dans le sujet. C'était encore trop présent pour lui comme si tout était arrivé la veille. La plaie dans sa poitrine saignait chaque fois que son prénom était cité tout haut.

— Ta présence à l'enterrement..., c'est... Tu sais bien..., c'est important pour tes proches, osa timidement l'inspecteur.

Le soupir de Faïz suffit à faire comprendre à l'homme de ne rien ajouter de plus. Karl s'inquiétait désormais pour le jeune homme. En une semaine, Faïz n'était plus ce qu'il était. Sa façon de parler, le ton de sa voix, jusqu'à son regard, reflétait un puits sans fond de souffrances et de colères, incomparable à ce que Barthey avait pu voir jusqu'ici durant toute sa carrière.

— Pourrait-on s'arrêter une minute ? J'ai une envie qui ne peut plus attendre.

Le poing de Faïz, posé sur ses genoux, se serra instinctivement en entendant le son cette voix. Sa mâchoire se contracta sous l'effet de la rage qu'il ressentit à cet instant précis.

— Toi, la ferme ! explosa Barthey à l'attention de Remy Ogres, assis dans la cabine, derrière eux.

Ce dernier, immobile, était menotté des pieds à la tête, dans une camisole de force. Son physique de bûcheron, de taille moyenne, ne lui donnait guère un aspect dangereux. Pourtant, sous cette allure brute de décoffrage, cet homme approchant la trentaine, se délectait et se nourrissait de l'atmosphère qui se dégageait à l'intérieur du fourgon. L'inspecteur devait conduire le complice du meurtrier de Victoria Mattew dans les locaux du FBI, à Los Angeles. Faïz avait insisté quelques jours plus tôt pour l'accompagner afin de s'assurer qu'Ogres arriverait sans encombre à destination pour son interrogatoire. L'inspecteur avait longuement hésité, le fait que Faïz manque l'enterrement de sa sœur ne lui disait rien de bon. Il avait finalement cédé sous la pression du jeune homme, faisant taire ses inquiétudes en espérant que tout se passe au mieux durant cette journée. La route continuait de défiler à toute allure quand soudain, un appel du central vint interrompre les pensées de Karl.

— Barthey, j'écoute.

— Les deux fourgons blindés sont bien arrivés chez nous ainsi que les cinq voitures de police qui étaient parties juste avant vous de la prison de Pélican Bay, indiqua une voix féminine.

— Parfait, ici tout est calme. Il n'y a rien à déclarer.

— Très bien, appelez si jamais vous rencontrez un souci, nous enverrons aussitôt une patrouille.

Tout se déroulait sans problème. Les véhicules qui servaient de leurre n'avaient pas subi d'assauts. Personne n'était venu aider Ogres à s'évader dans la nature. Le gros dispositif mis en place par les autorités avait suffi à dissuader ceux qui y auraient pensé. La route qu'empruntait Karl dans les terres était vide, le trafic quasi inexistant. Le soleil se levait sur la Californie encore endormie.

— Foutue voiture, s'agaça Barthey quand il vit une silhouette au bord de la route en train d'essayer de changer un pneu apparemment crevé d'un 4X4 mal garé.

— Arrêtez-vous ! ordonna Faïz d'une voix grave.

— Hors de question ! Nous suivons les instructions.

— J'ai dit, ARRÊTEZ-VOUS !

Le sang de l'inspecteur se glaça à cet instant. Il ralentit en jetant un regard inquiet à son interlocuteur. Les yeux noirs de celui-ci lui firent comprendre que ce qu'il redoutait le plus était en train de se dérouler. Karl aurait pu soupçonner tout le monde, mais jamais il n'aurait pensé qu'Ogres lui filerait des mains à cause de Faïz.

— Qu'es-tu en train de faire ? s'insurgea l'inspecteur.

— La justice ! Mettez-vous sur le côté.

Barthey s'arrêta juste derrière la voiture qui les attendait. Sa main se porta aussitôt sur le bouton d'alerte pour prévenir le central.

— Laisse-nous rendre la justice, je t'en supplie. Que comptes-tu faire de lui ?

— Celle des hommes serait bien trop clémente. Je préfère le remettre à d'autres juges.

— Je ne peux pas te laisser faire. Je dois avertir les autorités.

La main de l'inspecteur, toujours suspendue dans le vide, prête à donner l'alerte, semblait vouloir gagner du temps.

— Vous ne le ferez pas. Je suis un des seuls à pouvoir affronter le Maestro, un des seuls à sauver le monde. Vous expliquerez qu'Ogres s'est évadé et que vous n'avez rien pu faire, je suis parti à sa recherche. Tenez-vous à cette version !

— Faïz, non. Je...

Avant que l'inspecteur n'ait pu finir sa phrase, Faïz lui asséna un coup violent derrière la nuque qui lui fit perdre conscience instantanément, puis le jeune homme fit un signe de tête à son complice pour lui indiquer que tout était sous contrôle. Ray, au bord de la route, commença alors à ranger les outils qui lui avaient servis de mise en scène et partit s'installer au volant de sa Porsche Cayenne.

— Ça y est, nous ne sommes plus que tous les deux, murmura la voix calme et rauque de Remy Ogres du fond de la cabine.

— Oui, juste toi et moi, répondit Faïz sur un ton empli de haine, sans prendre la peine de se retourner.

Puis, il ouvrit la portière du fourgon pour descendre du véhicule.

Dark Faïz Tome 2 [ Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant