Chapitre 8-5

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Nous étions ailleurs, comme si le temple ainsi que la pièce dans laquelle nous nous trouvions n'avaient jamais existé. Mes amis et moi étions tous alignés au bord d'une falaise qui surplombait un vide sans fond. La roche, sur laquelle reposaient nos pieds, s'effritait et menaçait de s'écrouler à tout moment.

— Où sommes-nous ? s'égosilla Asarys au bord de l'hystérie.

— Toujours au temple, enfin je crois, répondit Ray d'un ton angoissé.

— Exact ! répliqua une voix qui résonna beaucoup plus loin, en dessous de nous.

En penchant légèrement ma tête, j'aperçus Issei quelques mètres plus bas qui se tenait debout, lui aussi sur un énorme rocher. Contrairement à nous, le sien paraissait bien plus stable et sans danger.

— Que faisons-nous maintenant ? criai-je en sa direction afin d'être sûre qu'il m'entende.

— Vous vouliez du concret, non ?

L'éco de sa voix se répercuta sur les parois des nombreuses falaises qui nous entouraient. Asarys, furieuse, tourna sa tête vers Lexy :

— Tu n'es qu'une petite conne, tu le sais ça ? À cause de toi, nous allons tous mourir ici, d'une manière horrible...

— Stop, la coupa William excédé. Nous sommes en ce moment contre une foutue falaise, au bord d'un foutu précipice, ce n'est pas le moment de se quereller !

Le bras de celui-ci était tout contre moi, comme un rempart pour me protéger. Je constatai que nous étions en pleine nature, visiblement pas loin du sommet d'une montagne, un peu plus haut, avec, sous nos yeux, un panorama constitué de massifs. J'aurais pu apprécier la vue dans d'autres circonstances, mais à ce moment, je luttai juste pour ne pas m'évanouir face à cette peur du vide qui me paralysait complètement.

— Tout ceci n'est qu'illusion, continua d'insister Issei. La pièce est dotée de milliers de capteurs visuels, sensoriels et sonores. Votre cerveau finit par confondre la réalité avec ce qu'on essaie de lui faire croire. Votre conscience lui indique que tout ceci est une supercherie, mais il n'y a rien à faire. Tous vos sens finissent par se soumettre à cette illusion.

— Donc si nous sautons, nous nous libérons de cette illusion, c'est bien ça ? demanda William.

— Je... non, je ne sauterai pas dans le vide, bégayai-je.

— Il n'y a pas de vide, m'affirma William avec un ton qui se voulait rassurant. Zoé, c'est un subterfuge, un gag, OK ?

— Vous êtes cinglé, s'écria Lexy, sanglotante en direction d'Issei. Il faut vraiment être taré pour infliger tout ça à des personnes et jouer avec leurs peurs. Pour quoi au final ? Pour nous faire rentrer dans le crâne une leçon sur l'atome, la vibration et... et le cortex cérébral !

Le chaman ne broncha pas d'un cil. Debout, les mains derrière le dos, sa patience semblait inébranlable.

— Écoutez-moi ! déclara Ray en s'adressant à nous, nous allons transformer l'environnement.

— Mais, comment ? demanda Asarys d'une voix affolée.

— Nous devons focaliser toute notre attention sur autre chose. Rappelez-vous des paroles du chaman, « l'humain doit se libérer de lui-même ». Les pensées se transforment en matières.

— Des escaliers, murmurai-je dans un éclair de lucidité.

À cet instant, toutes les têtes se tournèrent vers moi. Lexy, elle, me regardait comme si j'avais perdu les pédales.

— Nous pouvons imaginer descendre d'ici par des escaliers, éludai-je.

— Oui, ça serait la meilleure solution, acquiesça Ray. William ?

— Je pense, en effet, que ce serait le moyen le moins risqué pour tout le monde. Allons-y !

— Euh... attendez une minute ! s'exclama Asarys en tenant son visage entre ses mains. Vous êtes en train de nous dire que votre escalier va apparaître comme ça ? Dans un claquement de doigts ?

— Ouais, ajouta Lexy les bras croisés, qui soutenait son amie

— Nous ne devons pas oublier que tout ceci n'existe pas, répondit Ray, nous allons donc matérialiser un escalier sauf... si tu préfères sauter pour arrêter une bonne fois pour toutes ce cauchemar ?

Asarys jeta un rapide coup d'œil en dessous d'elle avant de se redresser brusquement.

— L'escalier ira très bien, finit-elle par ajouter d'une petite voix aiguë.

— William ? l'interpella Ray. Tu as le pouvoir de transformer toi aussi l'environnement, plus précisément tout ce qui est en relation avec la nature. Tu ne peux rien faire ?

— J'y ai pensé, confia ce dernier qui paraissait réfléchir, mais comme le milieu qui nous entoure n'est pas réel, je n'ai aucun pouvoir sur tout ça. Contrairement à ce que nous pensons, nous sommes toujours dans la même pièce depuis le début. Il nous faut imaginer le plus fort possible autre chose.

Après de longues minutes à essayer de faire apparaître des marches, Asarys finit par s'agacer :

— On n'y arrivera jamais ! Qui de nous cinq n'y met pas du sien ?

Tout en disant ces mots, elle fixait intensément Lexy d'un regard inquisiteur. Cette dernière souleva les épaules avant de bougonner :

— C'est plus facile à dire qu'à faire ! Tu es marrante toi.

— Pense Lexy, on te demande simplement de PENSER assez fort à quelque chose pour pouvoir regagner la terre ferme. Après tout, si on en est là c'est bien à cause de toi et l'ours blanc sur la banquise ?

— L'ours blanc ? Merde, mais de quoi tu parles ? se fâcha Lexy.

— Lexy, à quoi penses-tu, maintenant ?

— Bah, à un ours blanc sur une banquise. C'est...

— Donc ton cerveau fonctionne normalement ! Maintenant, fais-nous apparaître ces foutues marches !

— OK, OK. Je vais m'y remettre s'emporta Lexy. Comme si imaginer un escalier invisible était quelque chose que je faisais tous les jours. L'ours était quand même...

Le regard glacial de son amie suffit à la faire taire. Nous nous concentrâmes de nouveau sur notre objectif.


Dark Faïz Tome 2 [ Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant