Chapitre 16-2

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La seule chose qui me réconfortait était que mes deux amies puissent avoir la vie sauve. Derrière les battements violents de mon sang qui cognait contre mes tympans, j'entendis dans la radio les cris de Barthey et d'autres membres de notre gouvernement qui essayaient de faire entendre raison aux dirigeants de ce pays. Un bruit de pas qui foulait l'eau attira soudain mon attention. Je me mis à prier de toutes mes forces pour que ce soit ceux de Faïz, mais la forme qui commençait à se dessiner dans cette brume nébuleuse n'avait rien de la carrure de ce dernier. Sous le choc, je reconnus le chef de ce clan barbare qui avait présidé, l'avant-veille, la funèbre cérémonie.

— Zoé ? s'inquiéta Min dans la radio.

Paralysée par l'effroyable spectacle qui s'offrait à moi, j'arrivai à peine à respirer. L'homme, aux traits déformés par l'abominable cruauté qui l'habitait, s'empara sans difficulté de la radio que je tenais dans mes mains pour la porter jusqu'à ses lèvres qui se fendaient en un sourire glaçant :

— Désolé, la jeune fille a dû s'absenter, prononça l'homme d'une voix basse et rauque avant d'écraser le combiné avec sa botte.

Dans un éclair de clarté, je me ressaisis afin d'éloigner ce sombre personnage cadavérique le plus loin possible de mes deux amies. Je fis alors volte-face en arrachant mon bracelet de gravité de mon poignet pour commencer à courir le plus vite possible, de l'autre côté du lac. Durant ma course, je risquai un coup d'œil derrière moi et constatai, désorientée, que l'homme n'était pas à mes trousses. Où est-il donc passé ? Je ralentis, les poumons en feu en essayant de reprendre difficilement mon souffle. À ce moment, je ne pouvais affirmer si le brouillard de cette île était un avantage ou un inconvénient. Les yeux fixés devant moi, sans arriver à le voir, je percevais tout de même sa présence. Ce monstre était là, tout près, tapi derrière la brume. Son odeur de sudation, mélangée à celle de l'humidité, flottait dans l'air.

Subitement, un choc violent vint frapper l'arrière de mon genou et me renversa brusquement au sol. Sonnée, je vis l'homme se jeter sur moi. Je décalai rapidement mon corps de quelques centimètres pour contrer son assaut. En me relevant, je lui assénai un coup violent et rapide dans le creux de son cou avec le côté de ma main. Cette attaque le déstabilisa un instant, mais le gourou reprit vite le contrôle de lui-même et m'attrapa le bras pour m'immobiliser au sol. Un cri de douleur s'échappa de moi. Le visage contre terre, j'aperçus alors une flèche, non loin de moi, dissimulée sous les fleurs de cerisier. En prenant une grande inspiration, je soulevai ma tête pour venir frapper le crâne de mon ennemi avec l'arrière de celle-ci. Ce dernier s'écarta avec un hurlement de rage, desserrant ainsi son emprise de mon bras.

Je me relevai pour me précipiter sur la flèche. Au moment où le gourou allait se jeter de nouveau sur moi, je vis l'ombre de Faïz sortir de nulle part et contrer notre adversaire. Ils roulèrent alors tous les deux sur le sol. Si Faïz était indemne, le visage de l'autre guerrier était lui, en sang. En effet, la force surhumaine de celui-ci ne laissait guère de chance à ce soldat de la mort. Pour la première fois, je voyais l'impact terrible que pouvait avoir un Léviathan sur un autre être humain. Cependant, à cet instant, j'étais heureuse que Faïz puisse bénéficier de cet avantage. Étourdi, l'homme vacilla, essuyant son visage ensanglanté qui était partiellement mélangé à de la terre. Faïz se précipita aussitôt vers moi :

— Ça va ? demanda-t-il, les traits tordus par l'inquiétude.

— Oui, oui. Je n'ai rien.

Un rire étouffé nous obligea à nous retourner. L'homme nous contemplait avec un sourire démoniaque qui lui fendait tout le faciès.

— Kushisake sera heureuse de cette offrande, prononça-t-il en plongeant son regard, dont les yeux étaient enfoncés dans ses orbites saillantes, dans les miens.

Un frisson glacial me parcourut l'échine. Ce guerrier n'avait pas une once de peur en lui, malgré l'attaque violente dont il venait de faire l'objet.

— C'est fini ! grogna Faïz. Pour toi, tout se termine ici.

— Tu te trompes, exulta le guerrier en faisant craquer son cou. Avant de te tuer, je veux t'entendre me supplier de l'épargner.

Il pointa alors son doigt en ma direction et demanda :

— Déesse, as-tu déjà dansé en Enfer ?

Mon souffle se coupa. Je reconnus la phrase de Kushisake, lors de notre rencontre au-dessus de ce gouffre, pareil aux portes des Enfers.

— Le seul endroit où tu nous verras danser, ce sera sur ta tombe, répliqua Faïz qui se précipita sur lui.

Il empoigna le cou de son adversaire et le souleva sans difficulté pour le propulser vers le sol. C'est alors que le gourou referma sur les poignets de celui-ci, un anneau brillant et argenté avant de s'écraser à terre. Aussitôt, Faïz se figea et parut se raidir, atténuant ainsi l'impact du choc du corps du Kobold au sol. Je me précipitai vers lui, consciente du pouvoir maléfique que dégageaient ces liens. Il s'écroula dans mes bras.

— Ces... ces bracelets, c'est le même ensorcellement que l'anneau dans la grotte, articula-t-il difficilement.

J'essayai de les lui retirer en y mettant toutes mes forces, mais en vain. Le guerrier, un peu plus loin, était de nouveau debout et s'avançait désormais vers nous d'un pas lent, comme s'il savourait l'agonie du jeune homme, affaibli devant lui. Ce sourire triomphant sur le visage le rendait encore plus terrifiant et me paralysa d'effroi.

— Va-t'en, Zoé ! hoqueta Faïz qui paraissait souffrir mille morts.

— Non ! Je ne peux pas t'abandonner, hurlai-je au bord des larmes.

— Ne dis pas de bêtises. Je ne pourrai pas combattre en te sachant juste à mes côtés, en danger.

Dark Faïz Tome 2 [ Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant