Dark Faïz Tome 2 [ Terminé]

Chapitre 5-4

Je déposai mon sac à dos à mes pieds puis ma main vint frôler lentement l'écorce de l'eucalyptus qui se dressait devant moi. Le diamètre et la hauteur de cet arbre étaient impressionnants. Les motifs colorés qui l'imprégnaient me faisaient penser à de la peinture.

— On les surnomme les eucalyptus arc-en-ciel, à cause de leurs écorces qui se régénèrent au fil des saisons et qui laissent ces étonnantes variantes de couleurs, m'expliqua une jeune femme aux yeux gris et glacés qui portait un bandana rouge autour de la tête.

Cette dernière posa sans mal son panier rempli de feuilles d'ananas au pied de l'arbre. Aussitôt, elle fut rejointe par une autre femme qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau.

— Moi c'est Xia, se présenta la jeune femme au bandana rouge. Et voici ma sœur jumelle, Xian.

— Enchantée, Zoé. Nous venons de la côte ouest des États-Unis, dis-je en montrant Faïz du doigt qui était alors en pleine conversation avec un Kobold plus loin.

— Oui, nous sommes au courant ! répondit Xian, en jetant un coup d'œil rapide à sa sœur. Les nouvelles vont très vite sur l'île.

Malgré un sourire chaleureux qui lui fendait le visage, son regard, lui, resta froid.

— C'est la première fois que nous accueillons des touristes, ajouta sa sœur avec un réel enthousiaste, excitée de rencontrer de nouvelles personnes. Eros vous plaît ?

— Oh... oui, bien plus que ça. Toutes ces ressources, ces plantes ou encore cette profusion d'espèces insolites, ça paraît presque irréel.

Les deux sœurs se mirent à rire en entendant ces paroles. Ce fut à ce moment que l'enjeu de notre mission me rattrapa et mon sourire s'évanouit.

— Notre reportage nous prend pas mal de temps, leur confiai-je en essayant de prendre un ton le plus détaché possible pour expliquer mon brusque changement d'humeur.

— Eh bien, si vous avez des questions ou si vous avez besoin d'informations, nous serons ravies de vous aider, s'exclama Xia visiblement heureuse de se sentir utile.

Sans attendre, je décidai de saisir cette opportunité et commençai à leur poser mes questions bien ciblées tout en dirigeant l'interview là où je voulais en venir, à savoir : la légende de Kushisake.

— En cas de danger ou si Eros venait un jour à être menacé, les Kobolds seraient-ils capables de se défendre ? demandai-je après plusieurs minutes d'entretien avec les deux jeunes femmes qui se prêtaient, jusqu'ici avec sérieux, à cet exercice.

Xia et Xian se regardèrent, visiblement surprises par ma question.

— Eros est un pays moderne. La paix et le respect de l'environnement sont au centre de vos valeurs, essayai-je de me rattraper.

— En effet, répondit Xian avec précaution, nous savons que les armes, la guerre ou encore les essais nucléaires sont des sujets diplomatiques tendus dans les autres pays du monde. Nous avons ici toute la technologie, mais pour certaines choses, comme la fabrication de nos tenues, la population reste attachée aux traditions.

Sa sœur réprima un petit rire avant d'ajouter :

— De plus, la faune et la flore sur notre île sont à elles seules des armes biologiques. Il faudrait être fou pour négliger ce détail.

L'intervention de cette dernière lui valut une œillade noire de la part de sa sœur jumelle. Xia parut regretter aussitôt ses paroles.

— Pourquoi vous intéressez-vous à notre sécurité ? Tout ceci semble hors sujet !

Le regard pénétrant de Xian me glaça instantanément sur place.

— C'est... c'était une question sur le plan personnel, bafouillai-je. Il y a des choses que nous ne pouvons pas toujours contrôler.

— Votre pistolet de détresse, de calibre 4, ne vous sera pas d'une grande aide sur Eros, déclara Xian en désignant du doigt mon sac à dos à demi ouvert au pied de l'eucalyptus.

— Nous prenons des précautions au cas où nous serions amenés à nous perdre sur l'île, expliquai-je, mal à l'aise, en refermant mon sac précipitamment.

— Et le téléphone satellite accroché à votre ceinture ? rétorqua Xian. C'est pour faire joli ou c'est encore une autre précaution ? Eros n'est quand même pas la forêt Amazonienne !

— Tout ce matériel ne vous sauvera pas ! Ce n'est pas vous qui chassez le danger, c'est le danger qui vous chasse, telle une proie qu'il guette. C'est eux qui décident quand la partie commence, ajouta Xia à voix basse, sortant ainsi de son mutisme, consciente de ses paroles.

Elle s'avança alors vers moi en esquivant la main de Xian qui essayait de la retenir.

— Les plantes sont gorgées de poison, chuchota cette dernière. Elles peuvent être aussi bien vos ennemies que vos amies. Ne l'oubliez pas !

Soudain, elle s'accroupit pour retirer de sa chaussure un petit étui avec à l'intérieur une flèche qu'elle me tendit.

— Une substance paralysante est extraite de certaines lianes. Nous faisons bouillir l'écorce de celle-ci avec d'autres feuilles afin d'obtenir une concentration pure de poison. Ensuite, nous en enduisons la pointe de nos flèches. Ce sont nos armes. Nous utilisons ces fléchettes en cas de danger contre les animaux sauvages de la forêt ou d'autres agressions qui pourraient survenir. Cette méthode, comme ça, peut vous paraître désuète, mais je vous assure qu'elle est très efficace.

Je pris la flèche, perplexe, en prenant bien soin d'éviter de toucher l'extrémité de la pointe, peu convaincue de l'utilité de ce bout de bois puis Xian ajouta sur un ton de moquerie presque méprisante :

— Ça complétera votre attirail de guerre !

— De survie, mon attirail de survie, rectifiai-je en essayant d'afficher un sourire serein.