Chapitre 5-1

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Chaque jour qui passait sur l'île me faisait oublier la routine à laquelle j'étais habituée. En fin de journée, après nos excursions, nous suivions un entraînement intensif en arts martiaux comme sport de combat pour nous apprendre à nous défendre. Les cours drastiques de Malika étaient usants pour tout le monde. Seuls Faïz, Barthey et William étaient dispensés de cette activité qui mettait, pour nous autres, notre patience et notre habilité à l'épreuve. Les randonnées en journée étaient presque un moment de détente, comparé à ce qui nous attendait chaque soir. Les excursions sur cette île étaient une véritable leçon de vie.

En effet, ici, le monde de la consommation n'avait pas sa place dans la société. Les Kobolds se nourrissaient de leurs récoltes ou de la pêche. L'importation était minime et se faisait uniquement en collaboration avec le Japon et la Chine. La chasse y était formellement interdite sous peine d'être emprisonné, ce qui voulait dire, être déporté sur une île au large de l'océan Indien. La richesse du pays venait de l'exportation de ses produits à travers le monde ainsi que des conseils donnés aux plus grandes multinationales.

La population était en grande partie ingénieure dans l'aéronautique, architecte dans la construction de bâtiments écologiques ou bien agente dans les développements renouvelables. Forts de son économie, les habitants vivaient pourtant simplement, mettant tout le monde dans une seule et même case avec un salaire unique universel. Les produits de première nécessité ainsi que les soins médicaux étaient gratuits. Impossible qu'un Kobold puisse mourir de faim ou de soif, l'égalité entre les hommes était au cœur de ce système.

Bien que ce pays demeurât en totale autarcie, les gens paraissaient ravis de nous voir et de nous parler. Nous étions, sans nul doute, leur attraction locale du moment. La population, descendante directe des Taira et des Minamoto, deux familles en guerre dans le dernier quart du 11e siècle au Japon, était venue s'exiler sur cette île, suivie de quelques centaines de samouraïs, afin d'y vivre en paix et de trouver du répit dans cette guerre qu'ils avaient fuie pour coexister tous ensemble, paisiblement. Les frontières de Éros depuis tout ce temps étaient devenues infranchissables pour n'importe quel être humain voulant venir s'y installer, le tourisme complètement défendu. Préserver ce lieu faisait partie d'une de leurs priorités.

J'étais surprise de constater qu'il n'y avait pas de villages isolés sur cette île d'environ trente mille mètres carrés pour une moyenne de vingt-deux mille habitants. Une seule grande ville était concentrée au centre du pays faisant office de capitale. Aux alentours, une flore étonnante dont plus de quatre-vingts pour cent des espèces de plantes étaient endémiques. Cette nature sauvage, luxuriante, était maîtresse sur Eros et parcourait chaque centimètre de cette terre. L'exploitation de sous-sol ou encore l'abattage massif d'arbres n'y étaient pas tolérés, l'île conservait ainsi un patrimoine intact.

— Vous n'êtes pas américaine, vous ? me lança notre guide Zerkô sur un ton courroucé sans même prendre la peine de se retourner.

Sa faux à la main, l'homme déblayait le passage afin de nous créer un chemin dans cette jungle que nous parcourions depuis déjà un bon moment.

— Française, répondis-je en espérant que notre accompagnateur ne me pose pas plus de questions, mais en vain.

— Votre truc, là ? Ce reportage que vous devez tourner... Est-il vraiment nécessaire d'explorer ces endroits aussi reculés de l'île ? Très peu de personnes osent s'aventurer par ici, vous savez ! De plus, le brouillard rend les choses compliquées. Vous risquez de ne pas y voir grand-chose avec votre petite boîte.

Ce dernier marqua un temps d'arrêt puis se retourna vers Faïz qui le suivait juste derrière. L'homme désigna alors la caméra que celui-ci tenait dans sa main. Agacé, Faïz examina silencieusement son petit carnet dans son autre main en ignorant notre guide, mais Zerkô brûlait d'envie d'en savoir plus. Je ne pouvais dire si notre accompagnateur croyait véritablement à cette histoire de documentaire sur l'écologie. Cet homme sans âge n'était pas très grand, mais sa carrure robuste donnait l'impression qu'il pouvait casser quelqu'un en deux juste en le touchant. Ses longs cheveux gris tombaient jusqu'à ses bottes et touchaient presque le sol.

— Monsieur ? reprit Zerkô. Peut-être il y aurait-il un sujet que vous souhaiteriez plus particulièrement aborder ?

— Ah bon ! Et lequel ? répondit sèchement Faïz.

— Je sais... je ne sais pas, balbutia l'homme en détournant aussitôt son regard.

— Alors on continue !

Avant que Zerkô ne s'exécute, Faïz examina de nouveau son carnet puis y marqua dessus quelques annotations. Je ressentis à cet instant un petit pincement au cœur pour notre cicérone. Brusquement, mes pensées allèrent vers William et Lexy qui avaient dû, eux aussi, changer de guide, comme nous, à la suite d'un désistement soudain. C'était William qui avait eu la tâche délicate de trouver et de recruter les remplaçants pour le reste de notre séjour. Notre première guide, Hanoura, avait été à nos côtés durant les deux premières semaines. Son caractère affirmé et passionné allait me manquer face à ce nouvel éclaireur que je trouvais trop rustre à mon goût.

Dark Faïz Tome 2 [ Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant