Dark Faïz Tome 2 [ Terminé]

Chapitre 10-1

Le bruit des draps qui se froissèrent me réveilla en sursaut. Je clignai plusieurs fois des yeux pour être sûre de ce que je voyais. Victoria était assise de l'autre côté du lit où dormait encore Faïz. Je ne reconnaissais pas l'endroit. Nous étions tous les trois au beau milieu d'une impressionnante bâtisse avec des armatures en fonte de couleur bleu azur et recouverte de milliers de vitres transparentes. Cette serre aux allures de palace en cristal renfermait un magnifique jardin d'hiver éclairé par un soleil étincelant. Mon regard se posa immédiatement sur Faïz qui, à mon plus grand soulagement, dormait encore profondément. Assise à ses côtés, je l'avais veillé toute la nuit par peur de le perdre.

— Peut-il nous entendre ? demandai-je à Victoria qui m'observait, silencieuse.

— Non, nous sommes juste toi et moi. Tu n'as pas l'air surprise de me voir.

— En effet. La lumière du soleil m'étonne davantage. J'avais presque oublié cette douce sensation de chaleur sur ma peau.

— C'est moi qui suis venue à toi, Zoé, pour te dire que je suis appelée à passer de l'autre côté. Mon heure est venue. Je suis libérée de l'écorce de mon âme, car vous avez tous enfin accepté de me laisser partir.

J'inclinai ma tête sur le côté et fermai les yeux pour empêcher mes larmes de couler.

— Déjà ? chuchotai-je. C'est trop tôt.

— Un jour ou l'autre la source nous rappelle quand nous trouvons enfin la paix. Et je l'ai trouvée. Prends soin des miens.

— Nous n'en avons pas fini, j'ai encore besoin de toi ! insistai-je pour la retenir.

Victoria attrapa ma main et la serra fortement.

— Nous nous retrouverons. Tu ne dois pas avoir cette image du Paradis ou de l'Enfer, car au risque de te décevoir, ils n'existent pas. Zoé, c'est plus fort que tout ça.

— Arriverons-nous à sauver tout le monde ?

Le regard de Victoria s'assombrit. Elle retira sa main de la mienne pour la placer sur le lit.

— Je ne sais pas. Personne ne le sait. Si vous échouez, la guerre ne s'arrêtera pas là. Il y aura toujours autre chose qui sera envoyé pour anéantir le mal. Vous êtes juste un de ses plans.

— Kushisake, elle a dit que mon âme était maudite. Que voulait-elle dire ?

La sœur de Faïz posa ses yeux sur son frère. Son regard rempli de tendresse à son égard était teinté d'une immense peine.

— Si tu échoues contre le Maestro, tu perdras tout le monde qui t'est cher. Ton âme ne trouvera jamais la paix. Les écorces qui l'entourent s'accrocheront à celle-ci, l'empêchant de s'élever vers la source. Si tu réussis à anéantir le mal, alors tu auras sauvé une grande partie de l'humanité, sauf que cette victoire n'aura pas d'autre prix que d'accompagner certains que tu aimes aux portes de la mort. L'un comme l'autre, tu ne sortiras pas indemne de tout ça. C'est ce que Kushisake a vu.

Victoria embrassa le front de son frère pour lui dire au revoir. Ses paroles étaient un véritable choc.

— C'est mon destin alors, murmurai-je à moi-même.

— Rien n'arrive par hasard. Tu peux changer le cours des choses. L'univers donne...

— L'univers donne ce que nous lui demandons, je sais.

Cette phrase commençait à faire son bout de chemin dans mon esprit.

— Où est passée cette Zoé dépourvue de toute spiritualité ?

— Il faut croire qu'elle a quitté ce monde. J'ai l'impression d'avoir vécu plusieurs vies en moins d'un an.

Elle me regarda d'un air amusé. Je m'imprégnai de ce petit sourire qui se dessinait sur ses lèvres, de ses traits du visage, de la couleur de sa peau et de son regard aux reflets chauds. Au fond de moi, je savais que c'était la dernière fois que je la voyais. Victoria se dirigea vers l'entrée de la serre. La lumière du soleil commençait à s'atténuer, elle l'emportait avec elle. Avant qu'elle ne franchisse la sortie, quelque chose me revint en mémoire :

— Merci de m'avoir sauvée quand j'étais en danger dans le désert de feu avec Kushisake. J'ai senti tes bras venir m'enlever pour me ramener à la vie. Sans toi, je serais morte noyée.

La sœur de Faïz baissa la tête et fronça les sourcils. Elle parut, dans un premier temps, surprise par mes paroles, puis très vite, un sentiment d'inquiétude s'installa sur son visage :

— Ce n'était pas moi dans ce désert. Quelqu'un d'autre t'a sauvée. Il y a encore beaucoup de choses que tu ignores, Zoé.

Victoria disparut sans rien ajouter, me laissant avec toutes mes questions et ce vide immense.