Partie 1 - Chapitre 21

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J'étais comme ailleurs. Perdue dans mes pensées. Perdue dans mes songes. Durant ce moment de flottement, mes prunelles ne trouvaient plus leur focale, le délicat parfum de la reine m'embaumait toujours, mes membres tremblaient d'une douce excitation diffuse et mes sens s'éveillaient par cette caresse tendre et équivoque.

Je voulais savoir ce que ce geste signifiait, ce qu'il impliquait, je voulais connaître les secrets cachés derrière ce pouce ; et j'étais frustrée de savoir que seul le temps allait m'apporter la réponse, peut-être. Mais ce n'était pas tout. Pourquoi la reine m'avait choisie moi, et pourquoi, aussi, la régisseuse avait fait la même chose à Hazel. Il me fallait ces réponses.

C'était la voix d'Asenath qui me ramena dans la réalité. Elle m'avait soustraite de mes réflexions comme on réveille un enfant d'une sieste. Et je ne m'étais seulement rendu compte après coup, mais, elle et la régisseuse étaient restées avec nous ; laissant la reine à ses vacations sans doute.

Elle me parlait, me regardait, de son air hautain et totalement assumé, avec une hilarité sourde de grande fourbe qui plissait doucement le coin de ses lèvres ; elle souriait discrètement, d'un sourire de petite victoire d'une grande guerre, d'une bataille remportée. Et elle me disait, de sa voix et de ses manières de femme parfaite et sans défaut :

– C'est vraiment dommage que vous ayez raté les deux derniers exécutés. C'était grandiose.

Puis en baissant la voix, se penchant légèrement vers moi, comme si elle parlait à une enfant, continua sur le même ton :

– Et oui, je vous ai vu vous réfugier dans les jupes de votre ami. On vous a tous vu d'ailleurs. Je vous pensais plus forte que ça.

Mes joues s'enflammèrent d'une honte et je me sentais faible sous les coups de cette peste. Je voulais lui rendre cette gifle qu'elle m'avait donnée, mais mes bras étaient tétanisés par ses moqueries. Je ne voulais pas que, ni la régisseuse, ni Hazel, ne me voient dans cet état lamentable. Je baissai la tête, me tournant quelque peu vers la régisseuse dans l'espoir perdue d'une défense ou quoi que ce soit. Et elle me dit, emplie d'une immense déception, d'une voix lasse et traînante :

– Je déteste dire ça, mais Asenath a raison. Je m'attendais à mieux, venant de vous.

Un silence pesant s'était abattu sur mes épaules et les larmes me montaient aux yeux. Je me retrouvais acculée face à ces deux femmes terrifiantes ; et aucune porte de sortie ne m'était offerte.

– Hé, parlez-lui autrement ! dit Ruth de sa voix habituellement cassée, le ton un peu élevé. Ce n'est pas de sa faute.

Il continua en s'avançant vers elles d'un pas :

– C'est tout à fait normal comme réaction, vous êtes peut-être toutes habituées à voir des gens se faire tuer d'une manière aussi cruelle, mais nous, on ne voit pas ça tous les jours ! Je ne juge pas vos traditions, mais à un moment, il faut savoir se remettre en question.

L'inconscience de cet homme semblait dépasser des limites stratosphérique. Je savais qu'il voulait m'aider, qu'il voulait bien faire, qu'il voulait me soutenir. Mais à ce moment-là, j'aurais préféré, plus que tout au monde, qu'il ne prononçât pas un seul mot ; d'un autre côté, et aussi étrange que ce fut, il me rassura, vraiment. Ruth, de sa maladresse, de son absence de tact et de diplomatie, me rappela que je n'étais pas seule ici, que je pourrais toujours compter sur lui, malgré ses défauts, et qu'on était tous les deux, comme il le disait si bien : « dans la même galère. »

– Est-ce que vous savez à qui vous vous adressez ?! siffla Asenath entre ses dents.

– Je sais pas vraiment, rétorqua-t-il. Mais je vous demande juste d'être moins dures avec elle, et-

Royal lagoon (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant