– Pourquoi tu souris comme ça ? me demanda Ruth, marchant à mes côtés.
– Rien, c'est juste que... Je trouve ça beau, pas toi ? rétorquai-je en lui indiquant la vue qui s'offrait à nous.
– Si, si, c'est très beau, souffla-t-il dans un murmure.
Puis, comme pour combler le silence qui commençait à tomber avec la nuit, il continua, en hachant ses mots tout en se grattant le haut du crâne :
– Val-de-rague. Je me demande bien ce que ça signifie.
Il marmonna à plusieurs reprises sa question et ces syllabes sur un ton interrogatoire ; il regardait la femme en armure de travers, essayant peut-être par ses chuchotements subtiles d'attirer son attention afin de lui soutirer des réponses. Mais il n'obtint rien, car elle resta de marbre, avançant machinalement vers cette immense bâtisse ; et voyant qu'Hazel ne voulait pas lui accorder sa salive, il finit par concéder sa parole au silence.
Et nous arrivâmes doucement à l'entrée du bâtiment.
Hazel poussa de ses deux mains, d'une facilité déconcertante, les deux gigantesque portes en bois sombre ; elles se mirent à grincer en chœur, et par l'embrasure se glissa les dernières lueurs faiblardes du soleil, illuminant quelque peu le marbre nacré du sol. Il y avait une abondance de détails, de fioritures et d'excroissances sur les murs de la salle d'entrée, et elles étaient toutes dorées : allant du simple motif concentrique aux fleurs fantaisistes. Et tout cela donnait un air baroque à cette pièce, un air à en couper le souffle.
Une petite foule de gens – que j'avais supposé être des domestiques au vu de leur tenue simple et précaire – çà et là, aux quatre coins de la pièce, marchait à une allure soutenue, rasant les murs et gardant la tête baissée. Certaines poussaient des chariots encombrés de plats divers et variés, d'autres portaient dans leurs bras des linges de maison, tandis que d'autres encore, semblaient juste marcher sans but précis dans ce lieu féerique.
Et dans un bruissement discret de tissus et de pas de loup, chacune paraissait exécuter une tâche donnée, sans jamais interférer avec les autres. Quand une montait l'un des deux escaliers centraux, une autre apparaissait par une porte dérobée pendant qu'une autre, encore, s'évaporait dans un couloir. C'était un ballet hypnotique et doucement frénétique qui se déroulait sous nos yeux.
– Regarde le plafond, me souffla Ruth avec un léger coup de coude.
Je m'exécutai, et mes yeux se perdaient dans l'immensité étouffante du trompe l'œil qui était peint au-dessus de notre tête. Je ne pus l'observer bien longtemps, car Hazel, qui se trouvait déjà en haut des escaliers, nous attendait et avait raclé sa gorge pour nous rappeler à l'ordre. Le seul détail que mon esprit avait saisi fut une main tenant à bout de bras une tête. Une tête d'homme.
– Vous aurez tout le plaisir de visiter le château dans les jours qui suivent, nous dit Hazel de sa voix singulièrement neutre. Pour le moment, évitez de vous disperser et veuillez me suivre.
Nous la rejoignîmes, Ruth et moi, d'un pas pressé ; et ma curiosité me brûlait les yeux de les lever, mais le désir d'obéir à Hazel était plus fort encore. Quelques pas dans un long couloir au même décor que la salle d'entrée et la femme en armure me présenta une porte. Mon compagnon de fortune et moi n'allions donc pas partager la même chambre. Pourquoi ce désir de nous séparer ?
– Je suppose qu'on se croisera demain matin alors, me dit Ruth, les épaules nonchalamment levées.
– Ne tentez rien de stupide que serez susceptible de gravement regretter, me prévint Hazel. Et attendez qu'on vienne vous chercher demain.
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Royal lagoon (GxG)
FantasíaÀ l'annonce de la découverte d'un nouveau trou bleu, un groupe de jeunes explorateurs se rendent dans le triangle des Bermudes pour tenter de percer son mystère. Chacun a ses raisons d'y aller : la soif de gloire, de richesse ou de reconnaissance...