Un peu plus tard, des servantes du château m'avaient amené un repas, un repas que j'avais englouti assez vite sous les yeux inquiets de Ruth. Il était resté avec moi durant toute l'après-midi, pendant que dans ma chambre, des dizaines de petites mains venaient déménager les quelques meubles qui m'appartenaient.
J'étais assez pressée de changer de pièce, de gagner un peu plus d'espace, d'autant plus que c'était pour le passer avec cette garde. À ce moment-là, probablement à cause de la digestion, de la fatigue et de toute la pression qui me pesait sur le dos, je m'étais un peu abandonnée à cette idée, celle de me laisser tenter par la passion.
– Je reconnais ce sourire, me dit Ruth, assis à côté de mon lit et accoudé à ma table de nuit. Tu avais le même, quand on est arrivé à Valderague.
– Sûrement, soufflai-je.
Puis, en le regardant droit dans les yeux, me disant qu'il était enfin temps de lui partager mes craintes et fardeaux, mes angoisses et mes erreurs, je lui dis, après une pause lourd de sens :
– Il faut que je te parle de quelque chose Ruth... Je pense bien que tout ça est de ma faute.
Le petit monde qui nous entourait était bien trop occupé à déplacer les quelques meubles de ma pièce pour prêter attention à nos messes-basses, tout de même, je m'étais rapproché de mon compagnon d'infortune, et continuai, dans un murmure :
– C'est moi, qui aie donné les informations concernant cette sortie avec la Reine, c'est moi la traîtresse de la rumeur, et c'est donc à cause de moi si les rebelles étaient si bien préparés...
Je ne m'attendais à rien de sa part. Qu'il soit en colère ou déçu, je l'aurais compris. Mais pourtant, il ne réagit pas, du moins pas dans l'immédiat. Il s'était reculé, et me regarda de ce regard étrange que l'on a parfois quand une mauvaise nouvelle est bien trop dure pour qu'elle soit tout de suite acceptée par notre cerveau ; entre l'incompréhension et la négation.
Puis, après un long moment à nous regarder dans le blanc des yeux, après que je lui ai jeté cette révélation sans préambule, sans ménagement aucun, Ruth ferma lourdement ses paupières, dodelina de la tête, et expira longuement.
– Pourquoi ? fini-t-il par me demander d'une voix grave. Pourquoi tu as fait ça ?
– Parce que je me suis fait avoir, voilà tout ! Je n'ai jamais voulu faire ça, moi !
– Comment ça ?
– Asenath... retoquai-je d'une voix étranglé par la culpabilité.
– Je le savais, cracha Ruth en tapant sur la table de nuit.
– Ruth, dis-je, cette personne est dangereuse, elle sait des choses sur moi... des choses qui pourraient bien me coûter la vie. Et maintenant, je suis dans une position impossible, je suis à sa merci, qu'est-ce que je vais faire, Ruth ?!
Mes mains s'étaient mises à trembler, c'était comme si toute gravité de cette histoire, contenue au fond de moi, par une force inconnue, se libéra d'un trait. Je me sentais à l'étroit dans ma cage thoracique, et mon cœur – au bord de la rupture, semblait-il – ne battait qu'en s'accélérant.
– Calme-toi, Andréa, répondit-il en me prenant les mains.
– Comment tu veux que je me calme, Ruth !? m'écriai-je au risque d'attirer l'attention sur nous.
Une colère noire me consumait de l'intérieur, et face au calme olympien de Ruth, elle ne faisait que grandir. Puis, d'une voix plus basse, mais non moins énervée :
– À cause de moi, la Reine a failli mourir ! tu comprends ? et c'est de ma faute si toi et moi sommes bloqués ici, à l'heure qu'il est ! Je suis vraiment la dernière des imbéciles ! Je ne peux pas me calmer, Ruth, la seule chose que je peux faire, c'est de m'en vouloir, et peut-être de rattraper tout ce merdier, mais comment ? Je ne sais pas ! Alors oui, je suis désolée, mais non, je ne peux pas garder mon calme !
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Royal lagoon (GxG)
FantasyÀ l'annonce de la découverte d'un nouveau trou bleu, un groupe de jeunes explorateurs se rendent dans le triangle des Bermudes pour tenter de percer son mystère. Chacun a ses raisons d'y aller : la soif de gloire, de richesse ou de reconnaissance...