Ses yeux finement maquillés de traits noir ébène me toisaient d'un regard vainqueur. Et, la pâleur de sa peau, cette blancheur qui contrastait avec sa sombre chevelure, magnifique de ses tresses maîtrisées, se colorait d'une teinte rosée, de celle qui vous monte aux joues par une trop grande joie contenue. Sans montrer ses dents, les coins de ses lèvres s'étiraient doucement en un sourire glaçant ; elle se dirigea vers nous.
Asenath, avant de clore la porte, de nous enfermer avec elle, de bannir notre unique échappatoire – et même si je n'allais pas m'enfuir bien loin toute nue – avait pris le soin de s'assurer que personne n'était présent dans le couloir ; chose qu'Hazel aurait peut-être dû faire. Et dans un bruissement de tissus, aussi doux qu'un murmure, sans grincement ni autre bruit parasite, elle avait fermé la porte derrière elle.
Enfin, face à nous deux, elle s'immobilisa, se tint droite, et nous examina. Ses doigts pianotaient le pommeau de son sabre et ses ongles vernis résonnaient en de petits coups secs sur les pierreries de son arme. C'était, soit de l'impatience, soit de l'euphorie. Elle prenait un malin plaisir à laisser traîner ce silence lourd ; elle avait à boire et à manger, et se demandait sûrement qui allait elle attaquer en premier ; Hazel ou moi.
Et quant à moi, plus qu'apeurée par la situation, j'étais gênée ; gênée de m'être mise toute seule dans cette situation critique, gênée d'être aussi peu vêtue face à ce regard qui serpentait mon corps dans ses moindres coins et recoins. J'étais si fragile, si faible, qu'elle lisait en moi comme dans un livre ouvert, comme si je lui offrais sur un plateau d'argent toutes mes faiblesses et mes failles. Mais très vite, cette petite peur avait pris le dessus sur la gêne ; et j'étais tétanisée.
Je marchais sur un fil tendu, à deux doigts de sombrer vers un destin funeste, et Asenath était le vent mortuaire, fourbe et inattendu qui allait me faire tomber dans une chute mortelle. Et elle, très-calme et d'une voix grave, rompit le silence assourdissant :
– Je ne pensais pas, vraiment pas, que ce soit si facile. J'en suis presque déçue et je regrette un peu d'avoir suivi Hazel jusqu'ici... Bien sûr que je m'attendais à ça, à vous voir toutes les deux ici, dans cette situation, dit-elle en nous montrant avec sa main d'un mouvement nonchalant. Mais c'était tellement osé, tellement... stupide, que je me pensais bête de m'être imaginé ça... Et pourtant... Et pourtant...
Sa voix s'étouffait dans un rire naissant, et elle continua :
– Et pourtant, vous l'avez fait !
Asenath reprit sa contenance en se raclant la gorge puis, après un court silence :
– Je ne sais pas ce qui me fascine le plus chez vous, Andréa. Est-ce votre stupidité ou votre inconscience ? Peut-être votre chance à toute épreuve, à vrai dire. En deux jours seulement, là où d'autres seraient déjà morts, vous, vous avez réussi à vous hisser jusque dans la cour, à être choisie par la reine...
Elle s'était avancée vers moi et me tournait autour, comme un fauve traque sa proie. Je m'étais cachée les parties intimes tant bien que mal ; et elle passait sa main, en toute délicatesse, sur mes épaules nues et encore perlées de l'eau du bain ; Hazel n'existait plus pour elle, il n'y avait plus que moi sur qui elle allait déverser sa colère sourde d'un échec prématuré. Et elle continua, d'une voix plus posée, à la limite du murmure :
– Dites-moi votre secret, Andréa. Qui êtes-vous ? D'où venez-vous, réellement ? Pourquoi vous êtes ici ? Je refuse de croire que vous êtes une simple étrangère égarée par hasard. Je refuse de croire que seule la chance vous a mené aussi loin et aussi vite.
– C'est vous, et seulement vous, qui m'avez amené ici, dis-je d'une voix blanche.
– Je sais, répliqua-t-elle aussi vite.
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Royal lagoon (GxG)
FantasyÀ l'annonce de la découverte d'un nouveau trou bleu, un groupe de jeunes explorateurs se rendent dans le triangle des Bermudes pour tenter de percer son mystère. Chacun a ses raisons d'y aller : la soif de gloire, de richesse ou de reconnaissance...