Partie 2 - Chapitre 4

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J'étais revenue dans ma chambre, la tête pleine de doutes et angoisses, très-chamboulée par cette malheureuse rencontre. Plaquée contre ma porte, assise à même le sol, mon visage entre mes genoux, je sentais mon haleine – chaude et sonore – m'embuer la pensée ; je m'étouffai dans mon propre souffle frénétique, saccadé ; et mon cœur battait une mesure qu'il ne pouvait plus soutenir.

Une sorte de sanglot étrange, entre la peur et la tristesse absolue, se bloqua dans ma gorge, pareille à un trop-plein d'émotion qui ne pouvait plus sortir. La dernière phrase qu'elle m'avait dite raisonnait encore dans les brumes de mon esprit, mais elle n'avait pas de sens... aucun.

Mes pensées, mes idées noires, toute cette soupe de tourments et de craintes qui, tournoyant sans cesse dans mon crâne, me martelaient sans relâche ni pitié l'image de cette mort qui m'attendait dans l'ombre ; toutes ces choses affreuses, peu à peu – perdue dans le silence tranquille qui drapait mes épaules, s'estompèrent ; et une brise venant de ma fenêtre ouverte me soulagea vivement, pareille au vent frais des douces nuits d'été, soufflant sur la fièvre de mes troubles de sa délicate respiration pleine de réconfort.

J'étais seule dans ma chambre et un calme infini y régnait ; c'était moi, accompagnée de tous mes malaises, qui m'invitait chez lui et non le contraire.

Je devais me ressaisir.

C'était stupidement simple, d'une facilité enfantine, mais je ne m'étais pas encore rendu compte. Pourtant, c'était un fait, rien ni personne ne pouvait m'atteindre, j'étais la préférée de la reine, les prunelles de ses envies, de ses fantasmes et de ses fantaisies ; remplaçable peut-être, mais à ce moment-là indispensable ; elle me voulait moi, rien que moi ; et au fond, je le savais... sûrement que je n'osais pas me l'avouer tout de suite.

Je n'étais pas accoutumée encore à être l'esclave des désirs d'une autre. Mais ça me plaisait, ça m'excitait même... beaucoup ! Je me sentais vivre, revivre.

Je me relevai alors, d'un mouvement rapide et fluide. Puis, d'un pas lent, calme, maîtrisé, je m'étais dirigée vers la fenêtre. Elle semblait m'appeler et attirait mon regarder à travers elle ; et les rideaux de soie, virevoltants dans un léger frôlement, un bruissement murmuré du tissu, m'invitaient à les rejoindre dans cette danse imperceptible ; ils baignaient dans une lumière chaude et cristalline, d'une pureté céleste ; et les taches de verdure – de l'autre côté de la fenêtre – comme des moires verdoyantes, se mariaient d'une perfection absolue à l'azur du ciel.

Debout, le regard posé sur l'horizon et mes pensées enfin vide de toutes idées parasites, je me sentais parfaitement sereine pour la première fois que j'étais ici. Sereine, puissante, toute-puissante. J'étais à la reine, je lui appartenais, et c'était comme si tout ce royaume, qui s'étendait devant mes yeux, m'appartenait également ; cette idée, aussi folle fût-elle, me ravisait pleinement et était loin de l'absurde ou du stupide ; je pouvais agir à travers la reine, mais il me fallait tester cette théorie.

Et c'était cette promesse audacieuse que je m'étais faite ; un jour, quels que soient les moyens, Valderague sera mienne ! et réduire en cendre quiconque voudrait m'en empêcher.

Pour cela, je devais d'abord charmer la reine, la charmer davantage puisque j'étais déjà en bonne voie ; il me fallait trouver ce fameux Sebastian, apprendre ces musiques et les jouer à merveille. Et une rage folle, celle qu'ont les gens trop ambitieux, celle qui déplace les montagnes et qui décroche la lune, bouillonnait en moi ; la seule idée que j'avais en tête, était alors celle de le trouver par moi-même. Je n'avais besoin ni de Pripa et encore moins de Sigrid.

Je me dirigeais alors d'un pas certain et frénétique vers les écuries ; rien ne pouvait m'arrêter, ni vents, ni marées, ni même le soleil de plomb qui brillait déjà de toutes ses flammes jaunes et ardentes. Je battais les graviers des jardins de mes bottes et chaque pas résonnait dans ce craquement pittoresque des longues balades forestières. Quelques courtisanes et autres gardes royales, me regardaient d'un œil amusé ; j'étais une tornade têtue, forte d'une puissance de colosse, que l'on pouvait calmer,  raisonner.

Royal lagoon (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant