Partie 1 - Chapitre 22

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Les mots de Sigrid me troublèrent ; j'avais peur, peur de comprendre la signification de ce geste, peur de ce que ça allait impliquer. Étais-je reliée à jamais à la reine ? Est-ce que ça signifiait que plus rien ne pouvait m'arriver ? Que j'étais la protégée de la reine ? Ou au contraire, étais-je finalement encore plus vulnérable qu'avant ? Utilisable et jetable aux bons désirs de cette femme dont j'ignorais tout. Semblait-il qu'à présent, je n'étais plus que son jouet personnel ; et je n'arrivais pas encore, à ce moment-là, à me figurer cette idée.

Sigrid me caressa la joue, de ses mains et de ses yeux. La jeune femme était toute rouge encore. Elle me dévorait d'une sourde envie qu'elle peinait à dissimuler. De sa voix suave, doucement à mon oreille, elle me demanda :

– Pourquoi cette question ?

– C'est... C'est la reine qui me l'a fait, dis-je d'une voix blanche, le regard dans le vide. La reine... elle m'a fait ce geste.

Je le répétai, nonchalamment, sur la lèvre de Sigrid. Elle se recula d'abord, puis, très-étonnée, plaqua sa petite main rose, aux ongles vernis d'un rouge discret, sur sa poitrine. La bouche à demi-ouverte, elle resta comme ça pendant quelques secondes, se demandant sans doute si je mentais ou si je lui faisais une farce.

Et son étonnement se transforma petit à petit en une douce joie. Elle prit mes deux mains dans les siennes et me dit, très-calmement :

– C'est une chance que d'être choisie par la reine elle-même. Je suis un peu jalouse, il est vrai. Peu d'entre nous ont cette chance-là. J'espère que ça ne gâchera pas notre relation.

« Notre relation. » J'avais tu un petit rire nerveux en entendant ces mots-là. Il était encore trop tôt, je pense, pour parler d'une relation avec elle. Nous avons juste passé une nuit ensemble ; certes, une nuit sublime, inoubliable, pleine d'éveil et de bons souvenirs, mais je ne connaissais rien de cette petite blonde chafouine qui, de toute sa mignonnerie mesquine, me voulait que pour elle seule.

Je sentais ses doigts se resserrer sur mes mains ; et mes mains se chauffèrent dans les siennes. Puis elle les lâcha pour les diriger vers le panier sans même me regarder. Sigrid nous donna, à Ruth et à moi, une sorte de serviette nouée qui contenait notre déjeuner. Le pêcheur remercia la jeune suivante et commença à dénouer ce sac de fortune. Mais moi, toujours perdue dans mes pensées, je ne bougeais pas. Trop d'images se bousculaient dans ma tête, entre l'excitation et la peur, entre l'envie et le rejet.

Soudain, comme des bulles qui émergeaient d'une trop longue remontée dans un océan trouble, une évidence me frappa de plein fouet. Hazel. Hazel, elle aussi, avait été victime de cette possession. Je me tournai vers la femme en armure, discrètement ; elle ne nous regardait pas, elle restait là, à quelques pas de notre pique-nique, le regard égaré quelque part à l'horizon, comme si elle cherchait à voir le plus loin possible.

L'admiration que j'avais pour cette femme ne semblait vouloir se tarir ; et je lui souris sans que je ne pusse contrôler mes lèvres, d'une compassion sincère et sans arrières pensées ou autres perversités. Je me sentais, d'une certaine façon, comme reliée à elle ; en plus des envies qui grouillaient déjà en mon for intérieur.

– Il y a à boire dans ce panier ? demanda Ruth.

– De l'eau seulement, rétorqua Sigrid.

– De l'eau ? Boh... Très bien alors.

Sa voix m'avait manquée. Il semblait avoir pris sur lui-même et enterré, je-ne-sais-où, les menaces envers sa personne ; elles avaient comme disparues et son visage rayonnait déjà de cette douce joie d'enfant béat. Ruth était vraiment une personne hors norme il était doté d'une force sourde et tranquille de colosse dompté ; j'avais deviné à travers ses yeux que c'était loin d'être la première fois qu'on avait menacé sa vie ; et le voir ici, en chair et en os, prouvait bien qu'à chaque fois, il s'en était sorti indemne.

Royal lagoon (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant