Partie 2 - Chapitre 9

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J'étais restée quelques secondes, le regard perdu sur cette petite tartelette aux fraises. Pourtant, elle n'avait rien de spéciale, rien de particulier ; juste une tartelette comme il y en a des milliers dans ce royaume. Je me demandais comment avait elle fait pour connaître cette information que j'avais donné l'air de rien, sans attente particulière ; quels mots avait-elle utilisés pour faire parler- je ne pouvais pas encore prononcer son nom... c'était comme revenir en arrière, balayer tous les efforts que j'avais durement accompli. Il y avait sûrement un message derrière ce cadeau qui, soi-disant, devait enterrer la hache de guerre...

Si elle avait réussi à faire parler cette garde, avec quelques tours de passe-passe manipulatoire, je n'osais m'imaginer ce qu'elle était capable de lui faire subir, rien que pour m'atteindre, me contrôler, me garder sous son joug.

Et l'idée même de tout révéler à la reine, ou à la régisseuse, qui semblaient être de mon côté, me glaça le sang. Je sentais encore les ongles d'Asenath m'effleurer la peau, me dissuadant de tout acte de rébellion, de trahison.

J'étais acculée, prise au piège d'avoir accepté son premier arrangement, sans me souvenir que je n'avais pas totalement le choix ; et bien plus qu'avant, plus aucune échappatoire ne se présentait à moi... je devais coopérer, mais à quel prix cette fois-ci ?

Une colère immense montait en moi et contre moi ; mes yeux se troublaient de toute cette agitation, de cette ébullition de rage, j'avais saisi la tartelette en pleine main et l'avais jetée à travers ma chambre. Elle s'écrasa en un feu d'artifice de blanc, de rouge et de rose ; et l'odeur sucrée du fruit et de la crème m'embauma davantage, c'était comme si tout le cadeau d'Asenath, dans son entièreté, me submerger par tous les pores. Ma faim et ma soif avaient disparu, et à la place, ne restait plus que de l'angoisse et de la peur. Un cri déchirant s'échappa de ma gorge, contre mon gré, que j'avais tu, bien trop tard, avec mes mains.

Et ma porte, un instant après, s'ouvrit en trombe ; Ruth s'avança d'un pas vif, les yeux écarquillés, les tempes humides de sueurs, et la respiration haletante. Il était suivi par la régisseuse et par Sigrid, très-calme toutes les deux, mais non moins agacée.

– Et bien, qu'est-ce qui était si urgent, Ruth ? demanda la régisseuse en me regardant.

L'ancien pêcheur balaya la pièce d'un regard rapide, maîtrisé, minutieux. Il le passa ensuite sur moi, me demandant, probablement, si Asenath était cachée quelque part, ou si elle m'avait fait du mal. Je lui dodelinais doucement de la tête ; et c'était fou comme l'on se comprenait tous les deux. Je me rendis compte à ce moment-là, après l'avoir oublié et ignoré, qu'il était ici l'un de mes rares alliés.

Il reprit doucement son sang-froid.

– Mais qu'est-ce que c'est que ça ? s'étonna Sigrid en voyant la pâtisserie que j'avais jetée.

– Rien... dis-je dans un murmure.

– Rien ? répéta la régisseuse, un sourcil sévèrement arqué.

Elle se tourna vers Ruth qui s'était assis au pied de mon lit, et lui dit, d'une colère sourde :

– Vous êtes venue jusqu'à mon étage, qui vous est interdit, vous tambourinez à ma porte comme un diable, vous me dites qu'il faut de toute urgence venir voir Andréa, pour que finalement elle me dise rien ; et je ne vois rien qu'une pauvre tartelette tombée au sol, que visiblement elle a jeté elle-même... Vous vous moquez de moi, tous les deux ?

Elle m'avait regardé de cet air de colère, de cette foudre divine qui avait plié Asenath lors de leur face-à-face ; et un poids immense me fit courber l'échine. Elle, sans me laisser la chance de répondre :

Royal lagoon (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant