Partie 2 - Chapitre 3

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La régisseuse, après ce moment d'égarement, de faiblesse de ses sens, après une courte lutte de ses pulsions, de ses envies, s'était installée de nouveau à son bureau, presque imperturbé, indifférente, ignorant du mieux qu'elle pouvait ses joues rosies par la situation, par ses instincts très vite réprimés.

Elle gardait cependant, ce petit sourire en coin, doux et coupable, comme excitée d'avoir été tentée ; ses yeux mi-clos, cachaient à peine cette idée si insolente qui lui avait traversé l'esprit ; et elle se mordit les lèvres pour se féliciter, se féliciter d'avoir résisté et se féliciter d'y avoir pensé.

Elle me dit, après s'être éclairci la voix pour se donner une contenance :

– Il faut que je vous parle de la reine, de ce qu'elle compte faire pour les prochains jours. La situation s'est certes calmée, mais il nous faut redorer son image à cause des fausses rumeurs qui circulent partout en ville.

Elle remit de l'ordre sur son bureau puis, sortant son grand cahier plat, elle continua :

– Nous allons organiser des petites représentations surprises pour les petits quartiers de Valderague. Vous serez aux côtés de la reine, et le symbole de sa bonhomie, de sa bienveillance. Tâchez de ne parler à personne, cependant ; et cantonnez vous à faire ce que vous faites de mieux : jouer de la musique.

La régisseuse après avoir écrit quelques phrases dans son cahier, cette sorte de journal de bord de la reine et du château, en arracha une page avant de le plier en deux :

– Demandez les partitions de musiques que je vous ai écrites ici. Ce sont les préférées de la reine. Puis demandez Sebastian à Pripa ou à Sigrid, il vous aidera à les maîtriser, à les connaître par cœur. Soyez prête pour la semaine prochaine.

– Sebastian ? Qui est Sebastian ? demandai-je hésitante.

La régisseuse roula ses yeux aux ciels avant de souffler longuement, puis d'une voix lasse et traînante, la tête appuyée nonchalamment dans sa main gauche, le regard un peu vague :

– C'est ivrogne doublé d'un escroc, il travaille aux écuries ; mais ça reste le meilleur barde de Valderague.

– Le meilleur ? Et pourquoi ce n'est pas lui le troubadour de la reine alors ?

Elle tu un petit rire en pinçant ses lèvres et après une pause elle répéta simplement :

– C'est un ivrogne doublé d'un escroc. Vous verrez par vous-même. Ce n'est pas un méchant personnage, il a son caractère, on s'y fait à la longue.

Elle finit par se lever et me tendre le papier ; et mes yeux se perdirent un instant dans la contemplation de ses doigts élancés, élégants, majestueux, aux ongles finement vernis et à la peau d'une teinte doucement laiteuse ; ses doigts qui, il y avait quelques jours déjà, avaient parcouru mon intimité, m'avaient offert à la passion et à une jouissance excise. Je les ai frôlé ces doigts quand j'eus pris le papier. J'aurai tant aimer les toucher plus longtemps, les prendre dans mes mains, les poser sur mes seins, mes lèvres, ailleurs et en moi, que pour moi, seulement pour moi, moi, moi.

La régisseuse se leva vivement, et j'eus cru exprimer mes désirs et mes idées grivoises à voix haute, mais non ; ma bouche était restée fermée et mes pensées débordantes ; me joues quant à elles, étaient toutes décorées de deux flammes rose pâle, de celle d'une chaleur contenue. Si elle s'était levée, c'était pour se diriger vers la porte et l'ouvrir.

Elle m'attendait, là, debout, dans l'encadrement, dans ce tableau de lumière où se dessinaient ses courbures de luxure, ce corps que je n'avais exploré que par le toucher ; et je le rejoignis d'un pas lent. Je ne voulais pas quitter ce cocon, ce petit paradis suspendu dans le temps, ce temple dans le temple, ce jardin secret hors du royaume... mais il le fallait pourtant.

Royal lagoon (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant