Partie 1 - Chapitre 3

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La première vision qui m'avait frappée, qui me coupa le souffle, une fois immergée dans cette eau, fut celle trou bleu. Un énorme cercle noir contrasté par la blancheur du sable qui l'entourait. Ce noir était si profond, parfait, insondable, que même l'Homme ne pouvait le reproduire.

Il était là, en face de moi, bordé de rochers poreux, coraux et autres plantes subaquatiques. Quelques colonnes de sables tombantes venaient choir dans cette bouche béante, sombre et mortuaire ; elles avaient l'air d'être figées dans l'instant, suspendues dans le vide par une force inconnue. Et çà et là, de temps en temps, un poisson passait au-dessus, se détachant de ce manque de couleur flagrant.

Cette descente fut longue, très longue, trop longue peut-être... Si longue que je pouvais regarder les moindre détails de ce trou qui semblait s'élargir au fur et à mesure de mon approche. Les formes des coraux que j'aperçus étaient si nombreuses, si variées, et si irréelles, qu'il m'est encore difficile - à ce jour - de me souvenir totalement d'elles. Je ne possédais pas les mots nécessaires pour fixer dans ma mémoire ces images sur ma rétine. Mais ce dont je suis sûr, c'est qu'il y avait là des espèces que L'humain n'avait pas encore découvertes.

- C'est beau... me dit Viviane par la radio.

Je n'avais pas de réponse à lui donner, mais je n'en pensai pas moins.

- Putain t'as de la chance ma cocotte de voir ça de tes propres yeux ! continua-t-elle.

- De la chance... soufflai-je. Oui, on peut dire ça.

- Bon, continue de descendre, les autorités locales ne vont pas tarder à se ramener. Va falloir faire vite ma belle !

- D'accord.

J'accélérai ma nage et bientôt, j'allai être submergée par cette nuit aquatique, plongeant directement dans le centre du trou bleu. Je traversai la selle doucement et très vite, je me retrouvai dans l'obscurité totale, sans repaire pour accrocher mon regard. Je venais de traverser une sorte d'horizon des événements ; et je me trouvais dans l'incapacité de définir le haut du bas, l'endroit de l'envers, la droite de la gauche.

Tout ce que je savais à ce moment-là, c'était que je me mouvais dans l'espace, que je montais dans les profondeurs du trou bleu - qui de mon point de vu, n'avait plus rien de son nom, ni de sa beauté suggérée.

Seules les faibles lumières de ma caméra m'avaient permis de voir autre chose qu'une noirceur certaine. En tournant la tête, je pouvais, quand l'arche se resserrait, apercevoir des rochers teintés d'un bleu sombre, de curieux poissons curieux et une poussière ambiante, omniprésente, oppressante.

- Calme toi Andréa, ton rythme cardiaque s'emballe trop.

Je ne l'avais pas remarqué. J'étais perdue dans mes pensées, hypnotisée par l'aura mystérieuse de ce lieu paradoxalement apaisant. Il me parlait, m'invitant à aller de plus en plus loin.

- Tu descends trop vite ma belle ! Ralentis ! cria-t-elle d'une voix parasitée par la radio.

Je secouai la tête pour remettre mes idées en ordre et battis des mains et des pieds pour ralentir mon mouvement. Et comme par magie, d'une force qui m'est encore inconnue, rien ne changeait, au contraire tout s'accélérait. C'était comme si l'on me tirait d'une main divine ; et je n'avais plus aucun contrôle sur mon corps. Mon souffle avait accélérait à ce moment-là, je le savais, puisque qu'une buée opaque avait couvert toute la vitre ; j'étais alors aveuglée par un voile blanchâtre.

J'entendais le bruissement de l'eau contre mon scaphandre, il était tel que je ne pouvais comprendre ce que Viviane et les autres me disaient par la radio. Il est vrai, qu'à cet instant-là, je me voyais morte, écrasée par la vitesse ou la pression. Alors je m'étais résignée à laisser ma vie entre les mains de ce courant, qui par sa force naturelle, n'emportait vers des destinations inconnues.

Mes lumières s'éteignirent d'un coup d'un seul, et j'en conclus que l'enregistrement vidéo venait de rendre l'âme, elle aussi. Ma supposition s'était avérait juste, car, entre deux bruits parasites et la force des eaux, Viviane avait crié un juron.

La buée s'effaça en un souffle.

Une myriade d'espèces marines fluorescentes s'illuminèrent tout autour de moi. Et petit à petit, je baignais dans une eau multicolore, scintillante et onirique. Mes compagnons me parlaient toujours, me demandant ce que je voyais, me suppliant de leur transmettre à l'oral ce que mes yeux peinaient à comprendre.

J'entendais de moins en moins les voix. Je supposai ensuite qu'ils me demandaient de revenir. Je n'en avais pas la moindre envie, ce spectacle qui s'offrait à mes yeux valait tout l'or du monde ; et je me sentais privilégiée. J'avais tout au fond de moi, cette envie irrationnelle de rester ici.

Mais un choc, puissant et inattendu, me ramena à la réalité des faits. J'étais perdue dans les profondeurs de l'Atlantique, à deux doigts de la mort ; et je n'avais plus qu'une seule envie : rejoindre la surface.

Pendant que je me débattais contre le courant, ma radio se coupa ; et ne restait plus que cet horrible sifflement qui me perçait les tympans.

Puis un deuxième choc, dans le dos, qui cette fois-ci me coupa la respiration. Je sentais que l'eau s'immisçait dans mon scaphandre - ou bien la mort - car un froid glacial coulait sur ma peau, remontant ma colonne vertébrale jusqu'à la base de mon cou.

Vint le troisième, le plus violent de tous. Mon visage se cogna contre la vitre de mon casque, et j'entendis après coup, le bruit du verre qui se fissurait. J'avais l'impression désagréable qu'un éléphant me compressait la cage thoracique, que ma tête allait - à tout moment - finir par imploser sous le poids de la pression.

Je perdis ensuite connaissance, au moment même où la vitre de mon casque se brisa en mille morceaux. De là, je n'ai plus aucun souvenir, ni bride de mémoire, seulement une sensation étrange de m'élever vers les cieux et la vision d'une lumière aveuglante, un soleil sous l'eau, puis rien.

Malgré cet accident fâcheux, ce n'étaient pas mes dernières heures. Et beaucoup de choses me restaient encore à vivre. J'étais loin, très loin, de me doutais de la suite des événements.

Je repris connaissance, doucement, encore toute vêtue de mon scaphandre, au milieu d'une eau turquoise, ballottée par des timides vaguelettes. Combien de temps avait duré cette absence, je ne pouvais le dire.

Allongée sur le dos, j'étais enfin libre de respirer à ma guise ; et se trouvait au-dessus de ma tête un ciel bleu, infiniment grand.

Une joie immense me submergea et j'eus voulu retrouver notre embarcation, mais n'apparus devant mes yeux qu'une immense falaise.

Une foule de gens, d'adultes et d'enfants - au pied de la falaise - vêtue de vêtements étranges et exotiques me regardaient d'un œil bizarre. Ils se tenaient à une dizaine de mètres de moi, tout en haut d'un escalier qui se jetait dans l'océan ; et je les rejoignais, car aucun ne semblait disposé à vouloir me venir en aide.

Quand j'atteignis les marches, - que je gravis non sans mal - ces gens-là reculèrent d'un pas apeuré ; et pendant que couraient des murmures incompréhensibles, un tintement lourd et métallique vint sonner par delà les rumeurs. La foule se divisa peu à peu en deux. Je le voyais aux mouvements des pieds qui se déplaçaient sous les toges colorées que portaient ces locaux.

J'étais nullement prête à voir ce que j'étais sur le point de voir.

Au milieu de cette haie d'honneur émergea une figure imposante. Elle m'immobilisa par sa prestance et sa beauté.

Une fois de plus, j'avais le souffle coupé.

Royal lagoon (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant