Partie 2 - Chapitre 26

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Il tira Ruth, le tint bien en face de lui, et moi, je restai au sol, tétanisée par la peur ; les deux parlaient entre eux, comme me laissant pour compte. J'entendais juste la voix rauque et cassée de Ruth. Elle résonnait doucement en des réverbérations savantes dans cette étrange salle. J'avais alors, comme suspendue dans le temps et l'action, n'ayant sans doute plus rien à perdre sauf ma vie, balayé d'un regard circulaire cette pièce ; elle était taillée à même la pierre, parfois très-finement, et à d'autres endroits, d'une manière moins appliquée.

Il y avait, à ma droite, trois portes – à l'allure d'alcôves géantes – qui ne menaient à rien. L'une d'elles, celle-là plus à gauche, semblait être drapée d'un voile liquide, d'une couleur opale où se moirait des reflets noirs, d'ors, et de rouges. Cet étrange voile se mouvait comme la surface d'une eau paisible ; et plus haut, sur l'arche en pierre où elle semblait tenir, par je-ne-savais-quelle magie, était inscrite en lettres capitales et gravées : « Grande-Betiana. »

– C'est donc vrai ? demanda l'autre homme.

– Oui, souffla gravement Ruth.

– Alors dans ce cas, vous devez y aller.

– C'est ça... oui... On doit y aller... par... par cette porte ? demanda Ruth en indiquant le voile.

– Oui, dépêchez-vous, je réglerais les détails avec ma sœur, si c'est elle qui vous à ordonnée de passer, alors, je ne peux pas vous retenir.

Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, pourquoi soudainement Ruth était si confiant avec cet inconnu... Cet inconnu qui, si je me souvenais bien de ses lettres, disait qu'il voulait tuer de ses propres mains, la personne en face de lui, à ce moment-là. Peut-être ne l'avait-il pas reconnu, tout simplement, ce qui était fort possible par ailleurs, les deux ne s'étant jamais rencontrés.

Ruth avait alors réussi un tour de passe passe diplomatique, l'avait bluffé par la force de son charisme sûrement... On avait bien droit à un peu de réussite dans cette sombre histoire... Mais pourtant, ses doigts, l'extrémité de ses doigts, surtout, tremblaient sans faiblir. Il déglutit à plusieurs reprises, avait-il conclu un marché avec cette personne... je ne le savais pas.

Seulement, il revint vers moi, se mit à mon niveau, et m'aida à me relever. Après avoir attendu que l'autre s'en aille plus loin de nous, Ruth, d'une voix vacillante et hésitante, me glissa à l'oreille :

– Andréa, il faut faire vite ! Je ne sais pas comment j'ai fait, mais il croit qu'on est avec lui, qu'on vient de la part de sa sœur...

– Sa sœur ? demandai-je, les yeux écarquillés.

– La régisseuse... Il faut y aller maintenant, avant qu'elle n'arrive justement...

Nous marchâmes, bras dessus, bras dessous, tant bien que mal, parce que mes maux, toutes mes blessures s'étaient réveillés ; l'adrénaline en moins, mes douleurs revinrent au galop. Quelques mètres seulement nous séparaient de cette porte, et c'étaient les plus longs mètres de ma vie. Cette grande figure stoïque, immobile dans la pénombre, nous regardait marcher. J'avais l'impression qu'à tout moment, il allait nous arrêter, flairant la supercherie sans doute. Et comme toutes mes mauvaises pensées se réalisent, une fois qu'il se retrouva derrière notre nos, il nous dit, d'une voix ferme :

– Attendez un peu !

– Merde, grogna Ruth.

Puis, se retournant que d'un quart, me gardant bien à l'abri de son regard, Ruth rétorqua :

– Nous n'avons pas le temps ! On doit y aller.

– Et cette fille, dis moi en plus, qui elle est ?

Royal lagoon (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant