Je passai alors mes mains sur ses joues, la caressant délicatement de mes pouces ; elles étaient tièdes. Et la régisseuse se calla carrément tout au fond de son fauteuil, me tirant quelque peu vers elle. Je vis, sur le haut de sa gorge, une myriade de frissons lui traverser la peau de loin en loin, comme si un zéphyr porteur de passion lui avait caressé l'épiderme. Et elle me dévorait du regard, se languissait sans vergogne, très-satisfaite par la tournure de la situation ; elle se mordit la lèvre inférieure, la roula sous ses dents, et son souffle s'accéléra. Alors, d'une voix haletante déjà, elle me susurra :
– Vous êtes une petite coquine, Andréa...
Et moi, rentrant dans son jeu, rapprochant mes lèvres des siennes, entr'ouvertes :
– Je serais votre petite coquine, Régisseuse...
– Et vous n'avez pas froid aux yeux, en plus de ça ! dit-elle dans un murmure sulfureux.
Puis, après un silence à sonder mes prunelles, elle ajouta, sur le même ton :
– Vous savez que c'est mal, que c'est contre la loi, ce que nous sommes en train de faire ?
– Les lois ne sont-elles pas faites pour être brisées ? répliquai-je d'un air rebelle, pleine de fierté anarchique.
La régisseuse se mit à rire doucement, et me saisit la tête par les joues, à son tour ; alors, elle me glissa, de sa voix pleine d'assurance et de froideur :
– Les lois, c'est moi qui les dicte, si elles ne me plaisent plus, je les change ; pourquoi les briser quand elles sont si malléables ?
Toute sa grandeur, sa force manipulatoire, le charme irrésistible de sa personne m'avaient saisie ; elle dégageait une sombre aura, si la reine était un soleil flamboyant, alors la régisseuse elle, dans une version plus obscure, était l'équivalent opposé. Tout aussi attirante et tout aussi dangereuse, mais dans des proportions qui, d'ordinaire, m'auraient glacé le sang ; mais là, aussi absurde que c'était, je ne pouvais la résister, et c'était comme si mon instinct de survie m'incitait à me jeter dans la gueule du loup. Et pareil à un serpent qui s'enroulait autour de mon cou, la régisseuse m'avait doucement saisi la gorge, me tira vers elle, et posa un lent baiser sur mes lèvres à demi-fermées :
– Est-ce que vous êtes vraiment sûr de le vouloir ? me demanda-t-elle ensuite.
Je répondis oui de la tête. Et elle, d'une voix rauque, s'emplissant d'une passion monstre :
– Je serais moins douce que Sigrid, vous savez ?
– Oui... chuchetai-je.
– Moins douce que la reine, aussi.
Je répondis oui, plus vite encore. Puis, la régisseuse, soudainement froide :
– Moins douce qu'Hazel, probablement...
Mon cœur rata un saut, et c'était comme si tout mon sang s'était figé dans mon corps. Sa main se resserra sur mon cou, j'étais prise au piège ; et elle me dit, voyant la panique dans mes yeux :
– Je ne suis pas dupe, vous savez... mais je vais être clémente avec vous Andréa, puis vous n'êtes pas la première à enfreindre des lois...
Je déglutis, et elle, en me souriant à pleine dent, augmentant la pression sur mon cou :
– Demandez-moi pardon, Andréa...
– Pardon... dis-je d'une voix hésitante.
Et elle me jeta sur sa table de la seule force de sa main. Et avec ma jambe blessée, l'équilibre en moins, je m'étais étalée dans un grand fracas sur ses papiers, ses livres et autres fournitures de bureau ; et les tasses-même s'étaient brisées au sol, dans un son cristallin. La régisseuse avait de nouveau son visage empli de passion, avait ses grands yeux de calculatrice vicieuse, allumés d'une domination sensuelle. Elle déboutonna carrément sa robe, de haut en bas, dans des pincements maîtrisés, millimétrés, frénétiques.
VOUS LISEZ
Royal lagoon (GxG)
FantasyÀ l'annonce de la découverte d'un nouveau trou bleu, un groupe de jeunes explorateurs se rendent dans le triangle des Bermudes pour tenter de percer son mystère. Chacun a ses raisons d'y aller : la soif de gloire, de richesse ou de reconnaissance...