Nous étions revenues à ma chambre dans un silence de confession. La nuit était froide et le ciel dégagé ; les milliards de lucioles célestes qui piquaient le ciel en une rosée scintillante m'emplissaient d'une chaude joie, d'une joie nouvelle. J'étais à présent une autre personne et ma vie d'avant n'était plus qu'un vague souvenir lointain, le faible souffle d'une mémoire mourante. Cet homme était enfin hors de ma vie et son emprise toxique s'était évaporée avec lui. Je bouillonnais, je n'avais plus aucune envie de me livrer au bras de Morphée et mon seul désir était – aussi étrange et excitant que cela pût paraître – de goûter à la chair.
J'avais fait le chemin du retour d'un pas doucement sautillant et léger, un sourire radieux aux lèvres. Et face à cette émotion inattendue, la régisseuse me regardait d'une curiosité amusée ; elle souriait, elle aussi.
Je m'affalai sur mon lit, les bras écartés, les yeux clos, la bouche béante et un râle de soulagement, gargantuesque et sonore, s'échappait de ma gorge. J'étouffai de ma main un rire, mélange bizarre de satisfaction et d'excitation, un cocktail explosif qui me vivifiait depuis plusieurs minutes. J'étais une pile électrique qui ne voulait s'épuiser. Et aux yeux de la régisseuse, je devais avoir l'air d'une enfant turbulente dans le corps trop grand d'un adulte. Mes joues étaient rouges, mes yeux pétillants, mes pulsions grandissantes.
– Alors ? demandai-je à la régisseuse qui se tenait droite sur le pas de ma porte.
– Alors quoi ? retorqua-t-elle, quelque peu décontenancée.
– Qu'est-ce que je dois faire maintenant ?
– Manger et dormir, je suppose, dit-elle simplement en montrant le chariot qui était toujours dans ma chambre.
– Je n'ai pas faim, et je n'ai pas non plus envie de dormir !
Et le visage de la régisseuse se froissa un instant, l'espace de quelques secondes. Peut-être que ma soudaine insolence n'était pas à son goût, mais je ne pouvais me retenir. Aussi folle que j'étais, à ce moment-là, cette petite expression de mécontentement fit poindre en moi une idée fugace et interdite. Avais-je le droit de demander de la compagnie pour la nuit. Auquel cas, pouvais-je demander la présence d'Hazel ? Avoir formulé cette idée dans ma tête me fit frémir de part en part, et je vacillai quelque peu sous les coups de mes frissons.
– Demain sera une grande journée, une longue journée, et pour tout le monde, dit-elle d'une voix calme et apaisée. Il serait sage pour vous de vous reposer. C'est un conseil que je vous donne. Mais bien évidemment, tant que vous restez dans cette chambre, libre à vous de faire ce que vous voulez.
– J'ai... dis-je toute timide, soudainement. J'ai une question, enfin, plutôt une demande.
– Une demande ? répéta-t-elle. Je vous écoute.
– Vous allez peut-être trouver ça étrange... Mais, est-ce que je peux demander ce que je veux ? Vous m'avez dit que si j'avais une requête ou une question, je devais vous en parler...
– Oui, tout à fait.
– Alors, qu'est-ce que je n'ai pas le droit de demander ?
La régisseuse qui visiblement s'était dévêtue de son impassibilité en ma présence, et depuis l'événement des cachots, se mit à glousser doucement derrière une de ses mains. Elle me regarda ensuite, plissa ses yeux bridés, et d'un discret sourire aux lèvres, déclara solennellement, sans prendre la peine de respirer, d'une voix douce et accueillante :
– Il serait absurde, stupide et chronophage de lister tout ce qui vous est interdit de demander. Mais on peut englober tout ce que notre loi juge répréhensible, il va de soi. Peut-être que vous ne le savez pas encore, mais vous n'êtes plus une prisonnière à nos yeux, mais une invitée.
VOUS LISEZ
Royal lagoon (GxG)
FantasyÀ l'annonce de la découverte d'un nouveau trou bleu, un groupe de jeunes explorateurs se rendent dans le triangle des Bermudes pour tenter de percer son mystère. Chacun a ses raisons d'y aller : la soif de gloire, de richesse ou de reconnaissance...