Partie 1 - Chapitre 19

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Hazel, après avoir pris son habituel faciès vide de toutes émotions, jeta un regard froid sur ma personne. Une sorte de bataille sourde grondait dans sa tête, parce que ses yeux, étrangement rapides, me parcouraient alors le corps de loin en loin et de haut en bas.

J'avais du mal à soutenir son regard, quand ce dernier se posait dans mes yeux, l'espace d'un instant ; je m'étais à demi-cachée sous une couverture de soi et mes joues s'empourpraient de gêne. Mais quand enfin, nos prunelles se croisèrent définitivement, Hazel détourna les siennes sur le côté, puis baissa la tête légèrement, comme pour fuir la mienne.

Je sentais poindre en mon for intérieur un sentiment de culpabilité, par rapport à elle et à ce que j'avais fait. Et cette fois-ci, c'était le fait d'avoir renié à Hazel qui me paraissait être une idée bête et stupide. Et même, si elle éprouvait quoique ce soit envers moi, je savais que c'était impossible pour elle d'imaginer entreprendre une relation autre qu'amicale.

Pourtant, ce goût d'interdit, tel le fruit défendu, relevait davantage cette envie qui se tapissait au fond de mes pensées perverses. Elle me guettait dans la pénombre de mon esprit, prête à me bondir dessus au moindre signe de faiblesse ; et j'étais plus que tentée de me laisser mordre par elle, de me laisser guider par ce serpent aux écailles de luxures, de suivre ce chemin condamné à Hazel et de l'amener avec moi dans les tréfonds du plaisir charnel.

Je voulais qu'elle franchisse les portes que Sigrid m'avait ouvertes. Je voulais l'entraîner avec moi dans cette douce corruption de l'esprit et du corps.

J'étais comme une allumette en suspens au-dessus d'un lac de pétrole. Je voulais me laisser tomber de ce vice noir, me transformer en un grand feu d'artifice et ressentir une explosion de mes sens ; je voulais que chaque parcelle de mon corps s'embrase au contact d'Hazel ; je voulais allumer ce feu de joie qui dormait d'un sommeil léger, cette passion – aussi destructrice que grisante – qui n'attendait qu'a être nourrie et ravivée.

Hazel se racla la gorge et fit un pas de côté. Une servante s'avança dans la salle, comme si elle avait surgi de derrière la carrure imposante de la femme en armure. Je l'avais reconnue, cette servante, c'était celle qui m'avait amené Sigrid la nuit dernière ; et cette fois-ci, c'était des vêtements qu'elle m'apporta.

– De quoi vous vêtir correctement, me dit Hazel d'une voix monocorde mais toujours teintée de cet accent chantant. Pour votre représentation et l'exécution.

Pripa, la servante, déposa les vêtements sur mon lit et me regarda, les deux mains jointes au niveau de son ventre. La jeune femme, d'une quinzaine d'années, je dirais, portait une simple robe blanche à broderies florales. D'une attitude très douce et très soumise, elle m'attendait.

Un silence étrange tomba sur nous quatre alors.

Hazel et Ruth détournèrent leur regard, observant le plafond quand ce n'était pas le bout du couloir. Et je compris enfin que la servante allait m'aider à m'habiller.

Le niveau de ma gêne tripla dans l'immédiat, et mes mains serrèrent un peu plus la douce et fine couverture qui me cachait – tant bien que mal – du reste du monde. Je me levai du lit, hésitante et toujours cramponnée au drap de soi. Un frisson me parcourut l'échine quand mes pieds eurent touché la faïence nacrée du sol, froide et polie.

Elle me présenta toutes les pièces de ma nouvelle tenue. Outre les multitudes de couches de vêtements, il y avait un large pantalon en toile, à l'allure étrange de sarouel et un haut de la même toison ; des longues bottes en cuir sombre, un corsé blanc cassé, une sorte de redingote sans manche à la coupe fine et, ce qui me semblait être un grand tissu entre la cape et l'écharpe surdimensionnée. J'avais plusieurs ceintures à ma disposition pour relier le tout sans qu'aucune partie ne tombât.

Royal lagoon (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant