Je venais de rentrer dans le fiacre, toute tremblante et émoustillée par les perspectives, par les choses qui pouvaient se passer à ce moment-là, dans ce court laps de temps que j'aurais voulu infini ; et j'aurais donné tout l'or du monde pour ça, au prix de ma vie s'il le fallait.
J'étais disposée et prête à me livrer toute entière à la reine... à être... si j'osais le penser... sa chose ; cette folie déraisonnable, passagère mais si intense, m'avait saisi sans que je m'y attende, à tel point que je suffoquais. Il y avait dans cet air étriqué pris au piège de ce trop petit espace, une tiédeur de baignoire, une moiteur langoureuse, une forte odeur de musc et de luxure.
– Installe-toi, me dit la reine tout en continuant sa lente ventilation.
Je voyais sur son visage, cette même excitation que je ressentais, ce grain de folie exquise qui nous plaît de laisser libre, de laisser maître. Les coins de sa bouche plissèrent doucement ses joues en deux petites bosses toutes roses, roses de ce sang qui palpite et qui chauffe les sens.
Je m'étais assise, tant bien que mal, en dandinant un peu sur mon fessier, cherchant la posture parfaite, entre l'aise et le charme. Et c'était drôlement ridicule, mais la reine, gardant sa physionomie de grande matriarche séductrice, rigola discrètement devant cet effort plus que maladroit.
Puis, en jetant un œil à l'extérieur, au moment où une garde royale avait claqué notre porte, elle commença, dans un souffle suave et drôlement bas, plein de passion :
– Ça fait longtemps que l'on ne s'est pas vue, toutes les deux, d'aussi proche je veux dire.
– Oui, dis-je, très-doucement, après avoir dégluti.
– Tu es prête pour la représentation ?
– Oui, ma reine.
– Tu vas leur jouer quoi ?
– La... la balade de Gillian Coeurdor, répondis-je hésitante.
– Hum... Gillian Coeurdor, répéta-t-elle avec un doux sourire.
– Oui, celle qui a repoussé les hordes de barbares et d'étrangers, celle qui est représentée sur la fresque du plafond de l'entrée du château.
– Je sais, ajouta-t-elle toujours de son sourire discret, maternel.
Je me sentais très-idiote. Je ne savais pas pourquoi je lui racontais l'histoire de son royaume, histoire qu'elle connaissait sûrement par cœur, mais c'était aussi l'une de ses préférées... alors bon...
Et elle, après une petite pause :
– J'espère que ce... cet...
Elle avait plaqué son éventail sur ses lèvres et donnait des petits coups ; il y avait dans ses yeux, subitement, dans un changement brusque d'émotion, une sorte de dégoût mélangé à de la colère. Et comme si elle avait croqué dans un fruit trop pourri, continua dans une sorte de crachat :
– Ce Sebastian ! cette crapule ! cet ivrogne... j'espère qu'il ne t'a pas trop maltraité. Auquel cas, je peux le punir et sévèrement.
La reine ferma d'un coup sec l'éventail et avait aboyé, dans un langage que je ne connaissais pas, un mot ou un cri, qui, de toute évidence, était une insulte envers le musicien ivrogne ; et moi, dans la surprise du moment, je sursautai quelque peu.
Elle mit ensuite le dos de sa main contre ses lèvres et fronça les sourcils, comme pour arrêter un vomissement, un dégoût qui allait lui échapper, qui allait entacher l'image parfaite de sa beauté. On aurait dit que le simple fait d'avoir prononcé le nom de Sebastian avait souillé sa majestueuse bouche.
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Royal lagoon (GxG)
FantasiaÀ l'annonce de la découverte d'un nouveau trou bleu, un groupe de jeunes explorateurs se rendent dans le triangle des Bermudes pour tenter de percer son mystère. Chacun a ses raisons d'y aller : la soif de gloire, de richesse ou de reconnaissance...