Partie 1 - Chapitre 25

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Je sentais le regard de jugement qu'elle avait posé sur moi. Asenath dissimulait son sourire tant bien que mal, et plus j'attendais pour lui répondre, plus elle jubilait de me voir ainsi ; prise sur le fait accompli, un peu paniquée par les sentiments que j'avais pour cette femme, dont l'amour lui était impossible et interdit. Et, quand enfin, j'allais répondre et me défendre, c'était Sigrid qui m'avait interrompu. Elle s'était écartée de moi, avait lâché mon cou et reculé d'un pas ; le visage quelque peu étonné d'abord, puis s'effaçant, ce sentiment laissa place à une lueur étrange, aux portes de la jalousie.

– Pourquoi ça ? demanda la petite blonde, d'une voix grave.

Elle avait croisé ses bras, et toute sa physionomie se froissa en une expression de mécontentement. Sa petite bouille, même ridée par la colère, avait toujours cet air de jeune femme espiègle. Malgré cette jalousie apparente, cette envie de m'avoir que pour elle, Sigrid restait fidèle à sa nature ; je ne pouvais la craindre et cette fureur, qui grandissait en elle, n'avait rien de menaçant... Et c'était peut-être là tout le problème. Je devais la garder à mes côtés, et en aucun cas elle ne devait se retrouver contre moi. Je devais, encore une fois, mentir. Mentir pour ma survie, et accessoirement, celle de Ruth.

– C'est juste que... dis-je en essayant de feindre l'hésitation. C'est juste que je pensais qu'elle allait rester avec nous. Comme c'était elle qui nous avait amenés ici.

– Si ce n'était que ça, grommela Sigrid, vous n'aurez pas réagi comme ça !

– Je me sentais bien à ses côtés, avouai-je. Elle m'apportait une sensation de sécurité.

– Oh, souffla Asenath faussement surprise. Dans ce cas-là, demandez une garde rapprochée. Il y en a tout un tas dans le château qui ne fait rien de leur journée.

– Non, c'est bon, répondis-je après une courte réflexion.

À l'évidence, je n'avais pas le choix et Hazel allait partir, sans que je ne pusse faire quoi que ce soit. C'était comme ça.

– Si vous voulez, ajouta Asenath sans me regarder et d'une voix indifférente, vous pouvez toujours la voir, une dernière fois, avant notre départ.

Ce brin d'espoir avait suffi pour raviver l'incendie qui se mourait en moi ; elle avait toute mon attention. Asenath continua, en se tournant lentement, et plongeant son regard calculateur dans mes yeux.

– Nous partons dans deux heures, d'ici là, vous pouvez toujours lui adresser un dernier mot, nous serons aux écuries.

Et elle me regardait plus qu'elle attendait une réponse. Elle scrutait la moindre de mes réactions, de mes micros expressions, comme si, encore une fois, j'allais me laisser submerger par mes sentiments. Il était évident qu'elle m'en voulait. Pour quoi ? Je ne savais pas encore. Mais elle cherchait le scandale. Évidemment que l'histoire d'amour entre un simple troubadour et une garde royale allait faire parler ; d'autant plus si ce troubadour était une étrangère. C'était alléchant comme cancan. Et à vrai dire, c'était ce que je voulais...

– Non, pas besoin, mentis-je en dodelinant doucement de la tête. Hazel peut partir, je n'ai rien à lui dire.

Ce mensonge m'avait fait mal, très mal. Mais semblait-il qu'il eût été convaincant, puisqu'à l'instant même où j'avais fini ma phrase, l'expression jouissive d'Asenath, sourde d'une joie de victoire facile, se mua très vite en déception. Elle s'en alla alors sans prononcer un mot, le pas claquant les dalles de marbres ; et un calme relatif s'installa doucement.

– Bon ! lança Ruth. Et bien... et maintenant ? On fait quoi ?

– Vous êtes libre Ruth, répondit Sigrid, quelque peu calmée. Vous pouvez faire ce que vous voulez.

Royal lagoon (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant