Partie 1 - Chapitre 24

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Tout s'était comme cristallisé à cet instant, comme si mon cri avait brisé le sablier du temps, comme si la force de ma volonté, nourrie par ma peur et mes angoisses, avait, par miracle, suspendu les lois immuables de l'univers.

C'était comme si, pour la première fois de ma vie, on m'écoutait. Mon cri s'était arrêté après ce qui me semblait être une courte éternité ; et le temps d'un battement de cils, toutes les têtes étaient tournées vers moi. Les gardes, les courtisanes, la reine, tout le monde.

Mes cordes vocales semblaient encore vibrer dans ma gorge, et une vive chaleur me lacerait cette dernière sans discontinuer. Et je ne savais que faire à ce moment-là. Ma vision était toute troublée encore, par mes larmes et par la situation. Une seule réflexion suffisait pour me faire vaciller, et pourtant, je devais trouver quelque chose, maintenant que j'avais toute l'attention que je voulais.

Je m'efforçais, tant bien que mal, de garder mes yeux dans ceux de Ruth. Ce dernier, comme tous les autres en vérité, étaient réellement surpris par ma réaction. Ça lui avait permis de se dégager quelque peu et de respirer. Il était toujours à terre, sur le ventre, les mains derrière le dos et deux gardes royales sur lui. Elles le maintenaient dans cette position à l'aide d'une clé de bras, visiblement douloureuse au vu de son visage quelque peu crispé.

La reine, après avoir grimacé d'une moue mécontente, dit d'une voix claire :

– Amenez-le ! Je ne veux plus le voir et quant à vo-

– Non ! m'écriai-je.

– Pardon ?

La reine s'était avancée d'un pas, d'abord étonnée, elle se roidit, serra les poings et pinça les lèvres. Tout son visage exprimait une colère noire ; et des murmures apeurés couraient sur toute la longueur de la salle du trône. J'étais clouée, tétanisée, pétrifiée par une peur soudaine. Je venais, sans m'en rendre compte, sans être maître de mon corps, d'expérimenter la même inconscience et maladresse que, d'ordinaire, seul Ruth avait le secret. Peut-être qu'à ce moment-là, il m'en voulait d'être aussi maladroite.

– J'ai besoin de lui, dis-je dans un murmure faiblard.

La reine avait descendu toutes les marches de son piédestal, et était maintenant à quelques mètres de moi. Elle avait, avec son allure de grande cheffesse amazone, une aura magnifique d'autoritaire ; et dans cette longue robe qui, d'une blancheur d'ivoire, détonnait avec le tapis, elle paraissait plus grande, plus grande et plus noble que quiconque. Elle s'avançait, s'avançait d'un pas lent et assuré, aussi régulier qu'un métronome.

– Je ne vous ai pas entendu, me dit-elle, toujours en avançant.

– J'ai besoin de lui, répétai-je, un peu plus assurée et une détresse au fond de ma gorge. J'ai besoin de Ruth. Je... Je- C'est quelqu'un de très important pour moi. Et si je pouvais vous demander une seule chose, ma reine, une seule chose, c'est... C'est de me laisser cet homme. C'est bien plus qu'un simple compagnon de chant. C'est un ami qui m'est cher, très cher. Et sans lui, je ne serais plus rien !

La reine avait fini de me rejoindre et moi ma phrase. Elle se tint devant moi, les bras croisés, le visage fermé. Son odeur, comme la dernière fois, m'avait embaumée toute entière ; et son parfum tiède d'amour et bergamote – accompagné de cette subtile fragrance de vanille – plongea tous mes sens dans une torpeur enivrante ; et mes prunelles se perdaient dans les siennes ; et j'étais toute à elle, prête à lui obéir au doigt et à l'œil.

Elle avait dans ses yeux cette flamme de domination puissante et elle me sondait, m'examinait, me jugeait. Je savais qu'un simple regard pouvait suffire pour nous faire tuer à ce moment-là ; et que Ruth et moi, n'étions que des simples jouets un peu pénibles et capricieux.

Royal lagoon (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant