| CHAPITRE 10 |

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• Être libre, c'est voir la vie sous son plus simple aspect •

~ ♣︎ ~

...LUCAS...


C'est une pression assez forte dans l'estomac qui me sort de mon sommeil plus que réparateur. J'ouvre les yeux et tourne la tête vers le propriétaire de l'objet qui s'amuse encore à jouer avec mon ventre. Je fais face à une petite vieille à l'air contrarié qui m'enfonce le bout de sa canne dans le corps. Pas besoin d'avoir un nombre incalculable de diplômes en sociologie pour comprendre que cette vieille américaine veut ma place. Je souris, loin d'être agacé par son comportement et la salue avec bienveillance ce qui lui fait froncer les sourcils. Je m'étire, toujours couché sur ce fameux banc en plein milieu d'un parc municipal et baille à m'en décrocher la mâchoire avant de me redresser en tailleur et  de jeter un coup d'œil à ma montre.

7h et de bonne humeur !

Je me masse le visage pour effacer les derniers vestiges de ma petite nuit puis reporte mon attention sur la mamie qui n'a toujours pas bougé et qui est à deux doigts d'utiliser de nouveau sa canne pour me virer de son prétendu banc.

— Ce n'est pas un endroit où dormir, jeune homme ! Laissez-moi ma place.

— Vous avez un avis de propriété ?

Ma question la décontenance si bien qu'elle garde la bouche ouverte sans répliquer quoi que ce soit. Bien conscient que j'ai l'air d'un barjot avec mes cheveux complètement décoiffés dont quelques boucles me retombent devant le visage, je ne veux pas plus l'irriter et fouille la poche centrale de mon sweat puis celles de mon jean à la recherche de quelques pièces. Quand je les lui tends, elle est définitivement perdue.

— Puisque ce banc semble vous appartenir, je paie un petit loyer pour cette nuit ! Je déclare.

Elle n'a pas le temps de m'insulter de petit impertinent que je lui ai déjà mis les pièces dans la main et que j'ai déjà enfilé mon sac à dos pour repartir en vadrouille dans la ville glaciale mais agréable de Midnight Falls. En haussant les épaules, elle range l'argent dans son manteau et s'apprête à s'asseoir lorsque je pose ma main sur son épaule, ce qui la fait sursauter pendant que l'autre se glisse dans sa large poche pour récupérer les quelques dollars que je viens de lui donner. Trop outrée par le contact de ma poigne sur son corps un peu enrobé, elle ne fait pas attention au fait que je suis en train de lui faire les poches comme le pickpocket professionnel que je suis. Toujours avec le sourire, je lui souhaite une bonne journée puis je m'en vais, de nouveau en possession de mon argent.

Je n'allais quand même pas lui donner ce qui va me permettre de m'acheter un bon petit dej' !

Mains enfouies dans la poche de mon sweat, je quitte le parc et prends la direction de mon restaurant préféré - qui a plusieurs casquettes comme café ou encore bistrot - de cette ville. C'est le seul endroit qui fait les croissants aussi bien que dans la boulangerie où j'avais l'habitude d'en acheter à Paris après avoir dérobé quelques billets et portefeuilles dans les différents métros parisiens, là où ça grouille de monde comme si la capitale française se transformait tout à coup en une vaste fourmilière remplie de fourmis hystériques. Contrairement à la plupart des gens, j'ai toujours adoré me trouver dans des endroits bondés.

Ce sont les meilleurs spots pour mes jeux de chapardages.

Le soleil est toujours couché, rendant l'air glacial. Apparemment, je suis plus matinal que l'astre or et bien plus chaleureux que lui en hiver. Admiratif, je contemple la moindre chose que captent mes yeux, toujours particulièrement intéressé par les différentes cultures. On pourrait me prendre pour un vrai touriste si je n'avais pas une tenue aussi passe-partout qui me fait plus ressembler à un jeune étudiant de n'importe quelle nationalité ou à un SDF qui se balade à la recherche d'un nouvel endroit où dormir. Dans les trois cas, les gens ne se tromperaient pas forcément. Je suis un touriste dans l'âme, vagabond depuis longtemps et curieux de tout, à la seule différence que cette ville, malgré la brièveté de mon séjour pour le moment, je la connais mieux que quelqu'un qui est originaire d'ici. À force de passer ma vie dehors, j'ai la carte de Midnight Falls gravée dans mon esprit comme pour toutes les villes dans lesquelles je suis au moins resté trois semaines. 

Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant