Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉ

| CHAPITRE 16 |

• Eclairez l'obscurité et elle engloutira votre lumière •

~ ☀︎ ~

...LEO...

Pour une fois, je ne dors pas en cours. En revanche, ça ne veut pas dire que je suis attentive. Comment pourrai-je l'être avec tout ce qui s'est passé dernièrement ? Je suis encore choquée de ce que j'ai découvert hier. Mon cerveau n'arrive pas à se convaincre que tout ça s'est réellement passé. Je ne parviens pas à me dire que Jacob, Léon et Victor sont en réalité les fameux collègues de Bogdan, des mafieux, des assassins anciennement à la botte de ce terrible Vassili Orlov dont je n'ai pas arrêté d'entendre parler. J'ai beau me ressasser les évènements de la veille, dans ce taudis aux allures lugubres, mon esprit préserve inutilement l'image normale que j'avais d'eux avant que Bogdan ne me dévoile qu'il s'agissait des As :

Lucas Andreas José Bouchet, aka Léon, alias l'As de Trèfle.

Rayle Boswell, aka Jacob, alias l'As de Coeur.

Sergeï Iakimov, aka Victor, alias l'As de Carreau.

Je me revois rire avec Léon, avec une innocence que je n'aurai plus. Je me revois discuter avec Jacob de mon manque de confiance en moi et de nos cicatrices physiques et morales respectives. Je me revois à cette soirée avec Victor flirtant avec Yoko. Et j'essaye de voir si j'aurais pu prévoir la tournure des évènements, si j'aurais pu comprendre qui ils étaient vraiment grâce à des détails que mon esprit aurait mis de côté. Je me dis que la méfiance que j'ai ressentie à l'égard de Victor, ou peu importe son nom, aurait pu me mettre la puce à l'oreille mais je ne suis pas médium et rien ne criait sa véritable identité. Peut-être ses tatouages... mais je ne connais rien de la Sem'ya. Comment aurai-je pu deviner ?

Mon prof parle mais je ne l'écoute pas. Je me passe les mains dans les cheveux et fixe les gribouillis que j'ai fait sur mes notes, à savoir les différents symboles que chacun des As a tatoué sur leur poignet gauche. Millie avait raison : Rayle et Sergeï avaient vraiment le même tatouage que Bogdan sur la peau et ce n'était pas un hasard.

Je ferme les yeux, le coeur serré. Je me sens trahie. Je me sens humiliée. Je me sens utilisée. Ces sensations sont désagréables mais je n'arrive pas à m'en défaire. J'en voulais aussi à Bogdan de ne pas m'avoir prévenue dès le début et voir son air jubilatoire lorsque je les ai vus sur le perron de cette maison abandonnée au beau milieu des champs m'a encore plus blessée. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je crois que je me suis sentie idiote, ridicule et pathétique. J'étais complètement perdue, à la ramasse, impuissante devant ces hommes qui s'étaient joué de moi, qui ne voulaient pas vraiment me connaitre, qui se fichaient bien de ma personne en réalité. Rien que d'y repenser, ma poitrine me torture et je sens mes yeux me brûler.

Ils n'ont fait que suivre les ordres.

Je pose mes paumes contre mes yeux et prends une grande inspiration pour essayer d'enterrer ce sentiment de malaise insupportable au fin fond de ma poitrine. J'ai envie de pleurer mais je me retiens parce que ça ne servirait à rien. Depuis hier mes yeux me brûlent mais aucune larme n'a trahi mon abattement.

— Ça va ?

Je sursaute et me tourne vers mon voisin que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam. Il semble inquiet. Je tente un sourire en priant pour que mes yeux ne soient pas trop vitreux et hoche la tête pour le rassurer, surprise qu'un inconnu se préoccupe de mon état. J'ai dû soupirer trop fort.

— Tu veux un mouchoir ?

Honteuse, je me pince les lèvres et le remercie à demi-voix. Ce n'est pas le moment de paraître pathétique. Mon humiliation et le sentiment amer de trahison peuvent attendre. J'ai de plus gros problèmes que ces hommes qui se sont joués de moi. Le parrain de la mafia russe me veut pour une raison obscure et je dois rester sur mes gardes. Pleurer n'arrangera rien, tout autant que ruminer la douleur vive que j'ai ressentie hier. Je me rappelle que, d'un commun accord avec ma soeur, les As ont décrété qu'ils se relaieraient pour garder un oeil sur moi, sans pour autant se mettre en danger puisqu'un certain Lynx serait à leurs trousses. Tout me paraît si compliqué que j'ai décidé de les laisser s'occuper de tout ça. Je n'ai pas l'intention de m'intéresser plus que ça à leurs affaires de mafia, c'est bien trop irréel pour moi. Je suis déjà assez perturbée comme ça. Je veux juste que la situation s'arrange.