| CHAPITRE 7 |

748 82 49
                                    

• Nos cicatrices font partie de nous mais ne nous définissent pas •

~ ☀︎ ~

...LEO...


Ce ne sont ni les mots de Rina et de Yoko, ni ceux de Rose qui me viennent à l'esprit pour dissiper l'angoisse qui m'enserre la poitrine cette fois : « sois forte », « tu es la meilleure », « aie confiance en toi ». Ce sont ceux du Virtuose. Et je ne pense pas que ce soit normal, même si je ne parviens pas à être perturbée car les quelques paroles qu'il m'a dites ont réussi cet exploit quelques minutes auparavant.

— Sois toi-même, Léora Lane...

Lorsqu'il m'a lâché ça avec un air des plus bienveillants que je n'aurai jamais imaginé voir illuminer son visage, je suis restée immobile sur le seuil de l'appartement, mon coeur s'est serré dans ma poitrine et j'ai senti mes yeux brûler. Ses mots m'ont percutée et d'un seul coup, je me suis sentie plus soutenue que je ne l'ai jamais été alors que ma soeur, mes amies ont toujours été là pour moi. Mais c'était la première fois qu'on me disait d'être moi et de ne pas me dissimuler pour faire fuir mon trac que Bogdan a vu peint sur mes traits avant que je ne parte rejoindre le French Touch.

Je n'aime pas ça. Je n'aime pas le fait qu'il réussisse à lire en moi comme il réussit à percevoir toutes les particularités et les beautés d'une musique d'une seule écoute. Je n'aime pas le fait d'aimer sa compagnie. Je n'aime pas le fait d'oublier d'avoir peur de lui. Je n'aime pas le fait qu'il bouleverse tous mes sens en sachant pertinemment le trouble qu'il me provoque.

Depuis que je sais qu'il joue merveilleusement bien du piano et depuis que je lui ai dit qu'il pouvait utiliser mon instrument lorsqu'il n'y a que nous à l'appartement, il remplit la salle de musique de toute une puissance musicale impossible à ignorer. Dès qu'il se met à faire chanter les cordes du piano, je suis incapable de ne pas l'écouter et je finis toujours par me retrouver dans la salle de musique pour le regarder cajoler les touches blanches et les touches noires avec une attitude magnétique si bien que je passe la plupart du temps avec lui. Ça fait presque une semaine que c'est comme ça. Je me suis même mise à travailler dans la salle de musique, à lire dans la salle de musique, à me reposer dans la salle de musique bercée par la poésie sans vers, sans paroles de Bogdan Loukianov.

En plus, je crois qu'il sait exactement comment m'attirer dans les filets de sa virtuosité. Il n'a de cesse de jouer des musiques que je connais mais surtout que j'adore, m'incitant subtilement à venir chanter pour lui. Les premières fois où il a mis en place ce vil stratagème, je suis parvenue à lutter... puis au bout de la dixième chanson, j'ai cédé. Et j'ai vu. J'ai vu ce ridicule et insupportable rictus victorieux qui est apparu aux coins de ses lèvres.

Quand vient le moment de dormir, je m'énerve contre moi-même. Je suis en colère parce que je ne me méfie plus de Bogdan, ou du moins jamais quand je suis avec lui, parce que j'arrive à discuter avec lui en oubliant complètement que Gareth et les autres policiers le recherchent. Je connais certains de ses goûts musicaux et j'ai été surprise de voir qu'ils rejoignent les miens parfois. Je connais quelques bribes de sa vie. C'est comme s'il s'efforçait de se rendre plus humain à mon contact sans que je ne sache pourquoi.

C'est pour ces raisons que ce sont ses mots qui ont, ce soir, le pouvoir d'évincer mes peurs irrationnelles de mes pensées. Face au miroir des loges du French Touch, je me fixe, moi et mes yeux d'un vert triste, moi et mes cheveux ramenés sur un côté de mon visage, moi et mes cicatrices qui courent le long de ma joue, moi et mon foulard de la honte, moi et cette robe de soirée toujours plus tape à l'oeil pour attirer le regard sur le vêtement plutôt que sur la peau qu'il cache... Je me mords la lèvre et ajuste mon foulard.

Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant