Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉ

| CHAPITRE 11 |

• On ne dit pas qu'un geste vaut mille fois plus que des mots ? •

~ ☀︎~

...LEO...

Il me contemple comme s'il me voyait pour la première fois. Je me sens mal. Je me sens coupable. Je me sens perdue. Je n'aime pas du tout l'expression qu'il arbore car j'ai l'impression qu'il pense que je suis folle. Que je suis cinglée. Mais nous ne le sommes pas. Nola, Millie, Orrell et Quinn existent vraiment malgré tout ce que mon père répétait sans cesse. Pendant longtemps, j'ai nié leur existence et c'était pire. Mon instabilité émotionnelle était dangereuse mais j'ai fini, grâce à Rose, par accepter ce trouble particulièrement mystérieux encore pour la science et méconnu de beaucoup de personnes. Visiblement, Bogdan n'a jamais eu vent de ce trouble mental et j'ai la sensation désagréable de ne pas être crue. Ça ne devrait pas me toucher et pourtant, mon coeur se serre quand je pense au fait que la vision qu'il a de moi vient d'être changée à jamais.

Mais pourquoi ça t'importe Léo ? 

Je sens la présence de Quinn mais j'essaye de garder le contrôle de notre corps pour éviter de perturber encore plus l'homme qui est assis sur mon lit, toujours silencieux. Je me frotte les bras, embarrassée.

— Tu te souviens de ce qui vient de se passer ? me demande-t-il soudain.

— En partie...

— Tu veux en parler ?

Je lève la tête, surprise et l'interroge du regard. Il paraît bien trop sérieux pour que ce soit normal. Est-ce qu'il vient vraiment de me demander si je voulais me confier à lui ? Cette situation ne peut pas être plus bizarre... Face à mon air ahuri, il se met à sourire et la malice revient faire briller ses iris.

— On fait un marché ?

— Quelle sorte ?

Il se lève pour venir se planter devant moi, fier de l'idée qui vient de germer dans son esprit et comme s'il s'agissait d'une habitude, il fait glisser ses doigts sous mon menton pour que nos regards s'accrochent l'un à l'autre.

— Je veux tout savoir de toi, Léora. Mais je comprends que tu aies du mal à me faire confiance alors... je me confierai aussi.

— Quoi ?

— Viens.

Sans me laisser le temps de réagir, il m'attrape la main et m'emmène à sa suite, dans la salle de musique. Il s'assoit au piano et me fait signe de m'installer sur le canapé. Je fais ce qu'il me dit, ayant du mal cependant à le suivre et l'observe jouer quelques notes avant qu'il ne darde un regard joueur sur ma personne.

— Pendant que je joue, parle-moi de ton trouble, m'annonce-t-il, c'est dur de parler quand on vous fixe alors je m'efforcerai de ne pas te regarder. Même si c'est compliqué.

Son sourire insolent ajouté à ses paroles me fait lever les yeux au ciel. Ma nervosité s'évapore peu à peu. C'est si soudain que je me demande si Bogdan n'a pas des pouvoirs magiques : comment puis-je me sentir aussi bien et en sécurité en sa présence ? Ça n'a pas de logique. L'horreur de mon cauchemar et la gêne occasionnée par ma crise de dissociation ont été annihilé et quand il se met à jouer, l'attention rivée aux touches, je me surprends à me sentir assez à l'aise pour tout lui expliquer.

— Nola et Millicent sont apparues quand j'étais petite. Je ne sais pas vraiment quand et pourquoi. Nola est ce qu'on appelle une Alter Little parce qu'elle a neuf ans tandis que Millicent est une ancienne alter persécutrice qui nous a causé beaucoup de problèmes au primaire et au collège. Orrell est une identité masculine qu'on appelle Alter Social parce qu'il nous aide en société et Quinn est un peu la plus responsable d'entre nous, c'est une Alter protectrice, caretaker et traumaholder. C'est elle qui fait en sorte qu'on s'occupe de nous et comme Millicent, c'est elle qui garde les souvenirs de nos traumatismes ce qui me permet, à moi, l'hôte, de ne pas être trop affectée mais... en ce moment, c'est compliqué.