| CHAPITRE 14 |

506 60 16
                                    

• Pas de regrets et on croise les doigts pour ne pas avoir de remords •

~ ♣︎ ~

...LUCAS...


— Ça va ?

Je sors de la contemplation active du sol pour tourner la tête vers Léora qui marche à mes côtés, tenant fermement Fiasko en laisse qui aimerait sans doute partir à toute vitesse pour courir après les mouettes qui ont élu domicile au bord du port. Les mains plongées dans la poche de mon sweat, je hausse des épaules. Est-ce que ça va ? Mmm, on peut dire que oui, je pense. Enfin, pour quelqu'un qui se prend la tête pour un problème minime face à l'immense danger que représente notre future vengeance. Cette vendetta, comme l'appellerait Mancuso, devrait occuper toutes mes pensées et pourtant ce n'est pas la seule chose qui me préoccupe. En plus, j'ai la forte impression que Rayle joue avec moi et je n'aime pas trop la sensation d'être pris pour un idiot.

Pourquoi m'embrasser ?

Pourquoi faire ensuite comme si de rien était ?

Pourquoi faire semblant de ne pas voir qu'il me trouble, hein ?

Bon, j'ai la réponse à la deuxième. Ce soir-là, Rayle était bourré alors il se peut qu'il ne se souvienne de rien mais pour quelles raisons a-t-il eu envie de m'embrasser une fois désinhibé par l'alcool ? J'évite de me dire que c'est parce qu'il voulait vraiment au fond parce que si ce n'est pas le cas, ça va me miner le moral.

Et je déteste être de mauvaise humeur.

— Toujours le même problème mais ça ne sert à rien d'en parler, je déclare en grimaçant.

Léora acquiesce et nous continuons notre promenade dans le silence, accompagnés par l'air marin, les cris des mouettes et ceux plus artificiels des bateaux qui se rapprochent du port. D'ailleurs, le cargo de Cadalso ne va pas tarder à arriver et je n'ai pas hâte du tout de revoir la tête du Géant Colombien. Ce type est encore plus flippant que Mancuso à un autre niveau. La première fois que je l'ai vu, je me suis dit que c'était une réplique très particulière de Sergueï. Car autant le dire tout de suite, ces deux-là se ressemblaient. Et même s'il est là pour nous aider pour rembourser une dette auprès de notre ami, Jordi Cadalso n'appréciait pas fortement être à proximité de Sergueï, à cause de leur manière trop similaire de penser. Quant à Sergueï, fidèle à lui-même, il se fichait totalement d'avoir un concurrent ou un adversaire de sa taille. Il n'a jamais été très compétitif, il n'y voyait aucun intérêt.

Contrairement à Jordi ou même à Bogdan.

— Je peux te poser une question ? Lâche soudain Léo, me coupant dans mes pensées.

— Oui ?

— Est-ce que... tu as peur ?

Je lève les sourcils. Peur ?

— De quoi ?

— D'affronter votre ancien patron et tous ses hommes ?

— Celui qui n'a pas peur est un idiot, si tu veux mon avis. Ou juste un cinglé. Ouais, j'appréhende beaucoup parce que... parce qu'on a bien vu ce que ça donnait comme résultat de se confronter à des gens qui font partie de la Sem'ya... et d'après moi, Dan a peur aussi. Bon, pas forcément pour les mêmes raisons.

Léora hoche la tête, pensive. Je me demande à quoi elle pense. Et je me demande si elle me pose cette question parce qu'elle est complètement terrifiée mais qu'elle n'a pas envie de me le dire. Pourtant il serait logique qu'elle ait peur de ce que nous réserve l'avenir avec de tels projets vengeurs car elle ne vient pas du même monde que nous, parce qu'elle reste cette Américaine innocente qui patauge dans les marais sombres et inquiétants de la criminalité. En y réfléchissant, Rayle et moi étions comme elle au début : des humains que la vie avait décidé de malmener un peu et qui ont fini par se retrouver coincer dans un environnement hostile pour survivre.

Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant