| CHAPITRE 24 |

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• Quand je me sens seule, je pense au monstre qui me ressemble •

~ ☀︎ ~

...LEO...


— Tu peux me dire ce qu'on fait là ?

Je sursaute et me redresse pour voir Bogdan Loukianov, assis en face de moi, dans la même position que moi comme s'il s'agissait de mon reflet masculin. Je fronce les sourcils alors qu'il me dévisage avec un demi-sourire, ce foutu rictus qui reste ancré dans mon esprit sans raison. Il finit par détourner les yeux pour observer l'endroit où nous nous trouvons : c'est mon ancien repère, le cagibis dans lequel j'avais l'habitude, je m'en rappelle maintenant, de me planquer pour que mon père ne me retrouve pas ou pour que ma mère soit plus heureuse en ayant l'impression d'oublier mon existence.

Mais pourquoi le Virtuose se trouve ici, avec moi ? Je n'en ai pas la moindre idée.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Il hausse des épaules puis me sourit, malicieux en changeant de place. Je retiens ma respiration en le voyant bouger afin de venir s'asseoir à ma gauche, son épaule contre la mienne.

— C'est toi qui m'imagines ici, Léo.

— Pourquoi je ferai un truc pareil ? je marmonne.

— Aucune idée, rit-il. Peut-être parce que tu te sens seule ?

— J'aurai pu imaginer une amie, je rétorque.

— Mais tu ne l'as pas fait.

Sa voix grave aux sonorités nordiques se glisse dans mon oreille et son souffle s'échoue sur mon épaule étrangement dénudée. Je déglutis puis je me rends compte que ma peau est d'une perfection que je n'ai plus connue. Je contemple mon bras avant de relever la tête pour croiser timidement les deux billes grises qui me contemplent avec espièglerie. Je déglutis. Toujours aussi intense, toujours aussi hypnotique, toujours aussi... déroutant. C'est à la fois agréable et terrifiant de se perdre dans cette mer argentée. Je baisse la tête et la pose sur mes bras croisés autour des mes jambes repliées contre mon corps. Je soupire. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Pourquoi est-ce que je rêve de ce cagibis avec Bogdan Loukianov pour compagnie ? Car c'est un rêve, n'est-ce pas ? Cet homme dangereux est enfermé dans l'hôpital psychiatrique de Midnight Falls depuis bientôt deux semaines.

— Tu penses peut-être que je te comprends mieux que ceux qui n'ont rien vécu, dit-il soudain.

— Parce que tu as vécu des choses traumatisantes, toi ?

Ma question le fait rire. Je tourne la tête pour le regarder. Je ne sais pas si c'est parce que c'est un rêve ou non, parce que j'ai modifié son visage pour qu'il me plaise mais il n'a pas l'air méchant, ni même dangereux en cet instant. Il est même beau, normal... je me rends compte que je le trouve très attirant, plus qu'attirant d'ailleurs et que sa présence m'apaise autant qu'elle m'électrise.

Mon inconscient a perdu l'esprit...

— C'est ce que diraient tous les psy, Léo. Aucun être humain ne peut être comme moi sans avoir vécu quelque chose de fort et de traumatisant. Il doit y avoir une explication. Je ne serai pas celui que je suis si j'avais eu une vie parfaite.

— Moi aussi, j'ai besoin d'explications.

— Sur ?

— Qu'est-ce que tu me veux ? Pourquoi est-ce que tu t'intéresses tant à moi, à cet incendie qui a tout changé ?

Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant