Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉ

| CHAPITRE 8 |

• Je serai l'ombre de ton ombre •

~ ☀︎ ~

...LEO...

Je crois que je suis vraiment cinglée. Peut-être que mon père et tous ceux qui m'appelaient par ce surnom horrible avaient raison. Je ne vais pas bien. Car qui de normalement constitué serait attiré à ce point par un criminel ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. J'ai beau le nier de toutes mes forces, quelque chose m'attire chez lui. Je le sais depuis un moment, mon inconscient a tout fait pour me le faire comprendre de toute façon. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas accepter cette attirance incompréhensible, tout simplement parce que cet homme n'est pas le gentil et bel étudiant pour lequel je m'imaginais tomber sous le charme.

Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?

J'ai une confiance aveugle en lui, je crois tout ce qu'il m'a dit sur ma famille. Et comme je sais qu'il connait beaucoup plus de choses sur elle que moi-même, l'envie de l'avoir à mes côtés est renforcée. Je ne lui ai pas reposé de questions sur ce sujet-là, trop peureuse à l'idée de découvrir des vérités douloureuses mais je crois que je sais déjà les grandes lignes, ce qui me va parfaitement même si je devrai peut-être un peu plus m'y intéresser pour savoir pourquoi Bogdan Loukianov veut me protéger de ses collègues mafieux.

Je soupire et finis mon verre d'eau en repensant à la soirée d'il y a deux jours, au French Touch. Je ne m'étais jamais sentie aussi submergée par mes émotions en chantant. Bogdan parvient à réveiller les sentiments enterrés au fond de moi. C'est comme s'il avait ouvert une bouteille maintenue des années et des années sous pression : tout explose et rien ne peut maintenant être contenu. C'était à la fois douloureux et soulageant.

Lorsque je le cherchais aux alentours du restaurant de Tom, j'avais dans l'idée de lui demander pour quelles raisons il voulait à ce point m'aider. Car c'est ce qu'il a fait en me faisant chanter This is me. Mais cette interrogation a disparu à la minute où je l'ai vu en train de s'en prendre un homme, prêt à l'égorger. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je ne sais même pas comment j'ai réussi à le convaincre de les laisser en vie mais je me suis sentie fière de l'avoir détourné de l'obscurité pendant quelques instants. Quand il a accepté la main que je lui tendais, j'ai compris ce qu'il avait ressenti la nuit de notre rencontre. Sans doute avait-il déjà dans l'idée de me venir en aide, sans doute avait-il vu plus qu'une fille brisée et tourmentée ?

Sans doute avait-il vu une fille capable de guérir ?

Par la suite, nous ne sommes pas retournés au French Touch. C'était bien trop risqué. Nous sommes simplement rentrés à l'appartement avant que ma soeur ne revienne. L'atmosphère était étrange ce soir-là. Encore plus quand Bogdan m'a confié que s'il s'en était pris à ces deux jeunes, c'était parce qu'il parlait de moi et qu'il n'avait pas supporté les entendre me critiquer. Je n'ai rien dit bien que les questions fusaient dans mon esprit.

Je ne comprends pas pourquoi tout ce qui me concerne l'affecte et l'intrigue autant.

— Bon, Léo. Et si tu étais honnête avec moi.

Je sursaute, sors brutalement de mes pensées pour regarder Rina qui me fixe avec un air grave peu habituel et grimace.

— Yoko sera là dans quelques minutes, alors tu peux m'expliquer qui était le pianiste de l'autre jour avant qu'elle n'arrive.

Je soupire. Pourquoi est-ce que Rina est aussi perspicace ? Depuis qu'elle m'a dit la phrase très connue pour être très angoissante : « il faut qu'on parle », elle n'a pas arrêté de me tanner pour comprendre ce qui n'allait pas, pour connaitre l'identité du mystérieux pianiste. J'ai éludé ses questions du mieux que je le pouvais, en espérant qu'elle pensait simplement que le pianiste était un petit-ami caché.