| CHAPITRE 24 |

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• Fardeau : personne problématique qui tue petit à petit ceux qui la soutiennent •

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...LEO...


Dix jours. Deux-cent quarante heures. Quatorze mille quatre-cent secondes.

C'est le temps qui est passé depuis que ma soeur... depuis que Rose... depuis qu'elle est « partie » comme disent habituellement les adultes aux enfants quand un proche vient à mourir. C'est moins dur, plus doux. C'est un mensonge. Parce qu'ils ne disent jamais qu'ils sont partis définitivement. Ils sont juste... partis. Comme s'ils pouvaient revenir, comme s'ils avaient eu le choix, comme s'ils avaient décidé de s'en aller, sans dire au revoir la plupart du temps.

Alors, en fin de compte, je préfère opter pour l'expression plus crue, le mot adéquat et dire que ma grande-soeur, celle qui veillait sur moi, celle qui a toujours placé mon bonheur avant le sien est morte. Pour ne pas me mentir à moi-même, jouer avec les mots. Parce que j'ai le sentiment que si je me dis qu'elle est partie, elle pourrait revenir et je ne veux pas de cet espoir complètement illusoire. Je souffre déjà assez.

Ces dix jours étaient horribles et les suivants le seront tout autant. Les images de son assassinat repassent en boucle dans mon esprit, derrière mes yeux clos lorsque j'aimerais reposer mon coeur et ma poitrine déchirée. Je revois sans cesse cette voiture qui a failli me faucher, j'entends sans cesse les deux détonations, je sens encore l'odeur du sang, je vois encore le visage sans expression, le regard sans lueur de ma soeur dans mes bras. Et à chaque fois, j'ai envie de hurler. J'aimerai que la douleur disparaisse... j'aurai peut-être aimé que la voiture me percute afin que je n'assiste jamais à cette vision qui me hantera jusqu'à la fin de mes jours. Plus personne n'aurait souffert... Morte, à qui aurai-je créé des problèmes ?

Assise contre le mur de la pièce dans laquelle Bogdan et Sergueï s'entrainent, je regarde distraitement les deux mafieux enchainer les coups et les esquives. J'ai dit vouloir me changer les idées mais il faut croire que mon esprit n'a pas envie que je sorte de mon état de souffrance perpétuelle. Mon regard se perd dans le vide et lentement, je me plonge dans un monde sans bruit, celui de ma mémoire qui me renvoie avec violence les flashs de la mort de Rose.

Vite. Trop vite.

Impuissante. Trop naïve.

Violence. Trop de sang.

Rose. Morte dans mes bras.

Ma poitrine se serre à nouveau. Je sens mes yeux se remplir d'eau et des larmes recommencent à couler sur mes joues. Je serre pourtant la mâchoire de toutes mes forces et je bloque ma respiration pour m'empêcher de pleurer. Je ne devrais même pas avoir le droit de pleurer ; tout ce qui s'est passé est de ma faute. J'ai été égoïste.

Je suis une horrible personne.

J'ai voulu jouer à la plus maligne. Je me suis crue plus forte que des mafieux.

Mais je suis faible. Je l'ai toujours été.

Sinon je n'aurais pas ce trouble. Sinon mon père m'aurait un peu plus aimé et il aurait été fier de moi. Sinon mes parents ne seraient pas morts. Sinon j'aurai été aussi belle que les mannequins sur les publicités de Lancôme ou de Dior.

— Léora ?

Je suis un fardeau et peu importe que la personne qui me supporte et me traine derrière elle soit forte. Je parviens toujours à briser ceux qui tentent de me soutenir.

Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant