| CHAPITRE 18 |

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• Certaines musiques ont le pouvoir de raviver des souvenirs, bons comme mauvais... •

~ ♣︎ ~

...LUCAS...


Je dérape devant l'entrée du restaurant et me plie en deux pour reprendre ma respiration. J'ai failli arriver en retard. Parfois, j'ai envie de me donner des claques. J'ai juré à Léo de venir la voir chanter sur la petite scène du French Touch mais j'ai cru bon commencer à me balader de l'autre côté de la ville il y a à peine une demi-heure, ce qui fait que si je n'avais pas couru comme un cinglé, volant au passage une pomme dans une cagette devant un petit vendeur pour grailler un peu dans ma course, je ne serai jamais arrivé cinq minutes avant le début de sa prestation. Mais plutôt, vingt minutes après.

— Vous allez bien ?

Je lève la tête, à moitié mort et croise le regard inquiet d'un homme qui me tient par le bras. J'arque un sourcil et me rends compte que, contrairement à ce que je pensais, je me suis soutenu à un être humain et non à un mur. Je laisse apparaître un sourire pincé en retirant ma main de son épaule.

— Yeah, yeah. Tout va bien.

Je me redresse complètement en secouant mes vêtements, plutôt embarrassé alors que l'inconnu me dévisage avec un certain amusement. Au moins, il ne m'a pas bousculé méchamment. Je regarde un peu où je suis et remarque qu'une petite queue s'est formée à l'entrée du French Touch. Mon expression se décompose en comprenant que je vais devoir patienter un moment et que mes cinq minutes d'avance vont se transformer en minutes de retard. Je soupire en passant une main embêtée dans mes cheveux complètement emmêlés à cause du vent et de ma course.

— Vous attendez pour rentrer ?

— Oui, c'est la réouverture de ce petit restaurant, indique l'homme.

— Je préférais quand il n'était pas connu à ce point, commente sa femme que je n'avais même pas vue.

Elle est pourtant perchée sur des immenses échasses, mais bon...

Est-ce que je vais réussir à avoir une place avec tout ce monde ? Je ne suis jamais rentré dans ce restaurant alors je ne sais pas du tout combien de personnes il peut contenir, combien de tables il y a, ou même à quoi il ressemble. Je me demande si je peux faire jouer mon statut de privilégié étant donné que je connais la chanteuse de ce petit cabaret... Un sourire rusé aux lèvres, je sors mon téléphone pour lui envoyer un message quand une main se pose sur mon épaule. Je sursaute et me tourne pour découvrir l'expression perplexe de Rayle Boswell, une clope entre les lèvres, vêtu de l'un de ses magnifiques costumes qu'il chérie plus que sa propre famille. Il est beau et très élégant contrairement à moi ; je ne porte que l'un de mes éternels sweat et mon jean, ce qui me fait penser que je vais devoir passer aux toilettes pour me changer et ne plus ressembler à un ado en pleine crise d'adolescence face au Rayle fringant. Mais comme d'habitude, il porte toujours une touche de différence ; ses yeux noirs sont encore plus assombris par son trait de crayon et il porte un rouge à lèvres mate qui n'est que très rarement vu sur la bouche d'un homme.

— Qu'est-ce que tu fous là ?

— Oh, tu tombes bien ! Dis, ton petit Tommy, il ne pourrait pas nous faire rentrer en VIP ? Je lui demande en me penchant vers lui.

— Nous ? Je ne te connais pas, fait-il en souriant, narquois.

— Allez, Jacob, je m'exclame. C'est Léo qui m'a invité, la chanteuse.

Il arque un sourcil et s'apprête à dire quelque chose quand une voix l'interpelle. Nous nous tournons tous les deux vers l'entrée du restaurant pour apercevoir le gérant qui lui fait des signes, avec un sourire un peu trop grand à mon goût. Rayle me tapote l'épaule et s'avance vers Tom Lawson, me laissant sur la touche. Rayle, une main dans une poche et l'autre occupée à tenir sa cigarette, passe devant les clients dans toute sa prestance et commence à parler avec le frère de Rina Lawson, qui semble vraiment bien aimé mon collègue. Je fronce les sourcils. Je sais que nous sommes censés travailler comme ça ; en jouant avec les sentiments des autres, en les manipulant mais je déteste voir ce que notre passage laisse comme blessures et souffrances. Surtout celles qu'engendre Rayle.

Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant