Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉ

| CHAPITRE 11 |

• Faîtes que la vie ne me déçoive plus, je ne le supporterai pas •

~ ♥︎ ~

...RAYLE...

— Qu'est-ce que vous allez vouloir faire quand tout ça sera terminé ?

Je jette un coup d'oeil à Lucas qui marche à ma gauche avant de rouler des yeux en voyant son air sincèrement intéressé. J'échange alors un regard exaspéré avec Dan qui se contente de sourire doucement, comme amusé par ma réaction. Pour toute réponse, je sors mon paquet de clope et m'en grille une tout en continuant de marcher, encadré par Dan et Lucas.

— Alleeeez ! T'as dit vouloir aller aux Bahamas, Rayle mais quoi d'autres ? Il n'y a pas quelque chose que vous aimeriez faire ou réparer ?

Ça, c'est une question à ne pas se poser.

Je grimace en tirant sur ma cigarette. Je déteste me projeter loin dans le futur pour la simple et bonne raison qu'on ne sait pas ce que nous réserve le futur proche. Je pourrai mourir, là, percuté par une voiture folle ou tué pendant notre règlement de compte et faire des plans sur la comète, imaginer ce que je pourrais faire une fois toute cette merde terminée me donne la nausée. C'est une perte de temps inutile. Enfin, visiblement pas pour Lucas qui attend nos réponses. C'est Dan qui se jette à l'eau en premier alors que nous arrivons aux abords du port de Göteborg.

— Aller dans un auditorium pour voir un concert symphonique.

Surpris, nous nous tournons tous les deux vers lui. Je pensais qu'il allait sortir une connerie pleine de sarcasme mais il est tout à fait sérieux, même si son rictus ne le quitte pas. Comme si, à mon grand étonnement, il s'était déjà posé la question.

— Vraiment ?! T'es jamais allé voir un concert symphonique ? s'exclame Lucas.

— Nan. J'ai pas vraiment eu le temps. Et toi, qu'est-ce que tu voudrais faire, Lucas ?

Dan lui lance un regard étrange. Je me tourne alors vers Lucas en expirant ma fumée mais il détourne les yeux à ce moment-là et fait mine de réfléchir alors que je sais très bien qu'il a déjà une réponse précise en tête. Bizarre. J'ai loupé un truc ?

— Moi ? Plein de choses ! À commencer par retourner à Paris, commence-t-il à énumérer, peut-être reprendre contact avec Agnès et David pour m'excuser si j'ai le courage et d'autres choses plus personnelles.

À ses mots, je crois voir des rougeurs sur sa peau claire mais je me dis que j'ai rêvé car quand il plante ses deux billes sombres sur moi pour m'inciter à répondre à la question à mon tour, il est tout à fait normal. Pour ma part, je me perds quelques secondes dans son regard en me demandant comment je peux le trouver tout aussi agaçant que mignon à souhait. En comprenant que ça va finir par devenir étrange si je continue à le scruter de cette manière en silence, je me remets à regarder devant moi et tire une taffe.

— J'en sais rien. Tu trouves pas que ce serait plus utile de savoir ce qu'on veut pour notre enterrement ou comme épitaphe que ça ?

— Plus pessimiste, tu meurs, ricane Dan.

— Sérieux, Rayle ? maugrée Lucas. Tu ne peux pas être un minimum optimiste ? Tu veux que je pleure ta mort en avance ?

— Nan. J'aime juste pas faire des souhaits en sachant pertinemment qu'ils ne se réaliseront peut-être pas.

Je serre la mâchoire. Cette salope de vie m'a appris que penser au présent était plus important que s'imaginer le futur. De toute façon, on finit toujours pas être déçu lorsque l'on évoque des souhaits ou des plans pour plus tard. J'ai arrêté de penser à ça quand j'ai su qu'il ne restait que quelques mois à vivre à ma soeur, j'ai cessé de dire : « quand tu sortiras, on ira t'acheter un chiot » ou encore « quand tu iras mieux, on se fera un soirée pyjama entre frère et soeur dans le Home cinema à la maison » parce qu'elle n'avait plus de futur et je me suis senti con en me rappelant ces phrases, qui n'avaient désormais plus de sens, que je lui répétais sans cesse. Sergueï est mort et on ne l'avait pas prévu, il pourrait se passer exactement la même chose avec l'un d'entre nous alors ils peuvent aller se faire foutre avec leurs souhaits ou leurs « quand tout sera fini, je ferai... ».