| CHAPITRE 27 |

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• Les cicatrices ne sont que la partie visible du traumatisme •

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...LEO...


Les mains derrière le dos, je me balade dans les allées de tableaux, intriguée par les traits pensifs et les couleurs solaires ou nébuleuses des peintres. Je n'ai pas vraiment l'habitude de me promener dans des galeries d'art mais j'aime beaucoup le dessin, trouvant cela aussi cathartique que la course ou la musique bien que je ne passe pas mon temps à traiter le papier. J'accompagne juste Yoko qui trouve que la peinture ou les musées quels qu'ils soient sont des sources inestimables d'inspiration.

Contrairement à moi qui ne fais que jouer paresseusement les partitions, Yoko se passionne pour leur création. Elle crée ses propres musiques pour les jouer plus tard à la flûte traversière. La musique est l'une des choses que nous ne partageons que toutes les deux, Rina étant très peu sensible à cet art.

Nous jouons parfois ensemble. C'est si amusant de partager un moment musical à plusieurs. Seul, c'est relaxant. À deux, c'est plus divertissant.

Sauf que depuis quelques minutes, je suis seule devant des peintures un peu trop modernes pour moi. Je marche un peu plus vite que ma meilleure amie qui prend son temps, munie d'un cahier dans lequel elle griffonne des choses qu'elle seule comprend. J'ai du mal à trouver le côté inspirant de ces œuvres que je ne comprends pas du tout. Je m'arrête quelques secondes devant une toile qui me paraît un peu plus facile d'accès avant de reprendre mon chemin, le cerveau en compote après avoir tenté de déceler les sens du tableau.

Décidément, l'abstrait n'est pas fait pour moi.

Les pieds brûlants, je finis par m'asseoir sur un banc qui m'appelle au milieu de la galerie et attends sagement Yoko.

Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire, tout ces coups de pinceaux désordonnés ?

Menton dans la paume et coude sur mes cuisses croisées, je fixe inlassablement la peinture en penchant la tête une fois à droite puis à gauche pour découvrir des nouveaux angles. Après cinq bonnes minutes à fixer le tableau, j'abandonne. Si seulement il parlait... il pourrait m'expliquer ce qu'il représente. Je n'ai jamais vraiment trouvé que l'art contemporain était beau, magnifique ou émouvant. Pour ma part, les oeuvres plus anciennes, avant le XVIIIè siècle réussissent plus à m'atteindre que les créations d'aujourd'hui. Je sais que certains ne seront pas d'accord, dont Yoko, mais l'art actuel me donne l'impression que nous sommes arrivés à un point où notre imagination, notre créativité ont déclaré forfait, comme si nous avions épuisé la beauté du monde... je soupire et ferme les yeux. Yoko m'a demandé, presque ordonné, de l'accompagner pour que je me change les idées. Je n'ai pas eu le courage de refuser. Malgré le fait que j'aie déchiré ces fichues lettres, que je me force à penser à autre chose qu'au Virtuose et aux doutes qui se sont immiscés dans mon esprit, que je me concentre vraiment pour la première fois sur mes études, je n'arrive toujours pas à dormir sans rêver de lui.

Je dois vraiment avoir un problème.

Il est toujours là, de partout et ça me mine le moral. J'ai beau avoir jeté ses lettres, ses mots restent gravés à l'encre indélébile dans mon esprit. Alors je fais tout mon possible pour l'oublier la journée avant que mon inconscient sadique ne vienne jouer avec mes nerfs pendant mon fragile sommeil.

Quelqu'un s'assoit soudain à côté de moi, me faisant sursauter. Je ne m'en soucie cependant pas plus que ça. Je continue de compter les lattes qui recouvrent le sol autour de moi dans un vain espoir de m'occuper. Puis comprenant que ce n'est pas la meilleure activité du monde, je sors mon portable et envoie un message à Yoko pour lui dire où je suis, afin que, implicitement, elle comprenne qu'il faut qu'elle enclenche la cinquième. Je n'ai pas prévu de passer toute mon après-midi dans ce musée. Puis je me perds quelques temps sur Insta et plus précisément sur celui de Gareth. Je souris. Un point positif, c'est bien le policier. Depuis que nous nous sommes croisés dans le parc, il y a presqu'une semaine, il s'enquiert de mon état assez souvent et nous avons même fini à nous mettre vraiment à discuter. Il a le mérite d'évincer le psychopathe au regard hypnotique de mes pensées.

Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant