| CHAPITRE 19 |

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• La souffrance est propre aux êtres... vivants •

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...DAN...


Je dois avouer que la prison est une partie de plaisir face à l'hôpital psychiatrique. Je me risquerai même à dire que c'était presque aussi agréable qu'une colonie de vacances pour criminels si je devais comparer cette expérience avec celle que je suis en train de vivre. Je comprends maintenant pourquoi Sasha et le patron ont voulu m'interner pour me punir parce que je suis très clairement en train de vriller. Je suis seul, dans une pièce trop silencieuse avec pour seule compagnie les gardes qui me répondent une fois sur quatre, selon leur humeur et selon la mienne. J'ai testé toutes les activités possibles que je pouvais réaliser dans une environnement tel que celui-ci, avec presque rien. Je me suis passé en boucle les musiques que je connaissais par coeur dans ma tête avant de finir par les chanter de vive voix ou les jouer sur mon piano imaginaire qui soit se matérialisait sur un mur, soit dans le vide. J'ai analysé la paroi en plexiglas à la recherche d'une seule aspérité... pendant plusieurs heures.

Et maintenant, comme un idiot en manque de compagnie, j'attends à chaque fois avec une impatience insupportable le repas ou l'arrivée de Rose Lane pour me faire la conversation... que je fais toujours en sorte d'écourter sans le vouloir en provoquant l'aînée Lane.

Menya eto zaebalo (fait chier), je grogne en me laissant tomber sur le sol impeccable de ma cellule.

Je ferme les yeux et écarte les bras pour ressembler à une véritable croix humaine. C'est exactement comme le premier jour de mon incarcération. Je pensais que seul le fait d'être prisonnier des ordres pouvait me rendre cinglé jusqu'à ce que je comprenne que j'allais être entouré de cons sans cervelle, du même âge que moi, sans ma musique, sans Sergueï.

Quelle idée de merde j'avais eu... enfin bon, j'étais bien heureux de n'être plus lié avec qui que ce soit par le sang.

Je soupire et pose mes paumes sur mes yeux. Je me souviens parfaitement comment j'ai fait pour rendre mes deux années en tôle agréable. Il suffisait juste de se faire apprécier par le maximum de personnes, à la fois par mes co-détenus et les gardiens. Je peux aussi bien me faire détester comme me faire aimer avec une facilité étonnante. Parfois, je me demande comment je fais pour créer des sentiments aussi contradictoires chez les gens.

Je me redresse d'un coup et tourne la tête vers la porte de ma chambre, celle que je ne peux même pas attendre à cause de cette foutue vitre de merde. Je vois à peine les deux têtes à travers la petite fenêtre qui donne dans le couloir mais j'entends souvent très bien leurs voix. Ils ne peuvent pas insonoriser ma pièce puisqu'ils doivent être capable d'entendre tout ce que je fais pour éviter un malencontreux accident comme... un suicide par exemple. Ils doivent toujours pouvoir contrôler ce que je fais.

D'ailleurs, je crois que j'ai un peu abusé de ça...

C'est assez drôle de les voir rappliquer en courant, alertés par le silence que je fais ou bien les cris d'agonie que je sais imiter à la perfection à force d'en entendre aussi souvent. Et regarder le changement brutal d'expression quand ils se rendent compte que c'est une énième fausse alerte est jouissif. Pour l'instant, je ne sais pas s'ils me détestent ou pas. En tout cas, il est sûr que je les agace. Tout comme j'insupporte le psychiatre Eric Slaughter qui ne vient presque plus, comme je l'ai demandé. À force de lui chanter l'hymne russe, il a fini par céder à ma demande et bien que ce ne soit certainement pas habituel, c'est Rose Lane qui me fait office de psychiatre.

Et je ne peux pas dire que je suis un patient agréable à suivre. Même si elle fait des efforts pour cacher sa fatigue, je la vois briller dans ses yeux, se manifester dans ses gestes et je me sens toujours plus proche de mon objectif final : savoir pourquoi Rose et Léora Lane ont abandonné leur vrai nom de famille, à savoir Anatolievna. Nous venons du même pays.

Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant