Cruelle Virtuosité | T1, T2 & T3 | TERMINÉ

| CHAPITRE 11 |

• L'intuition ou les mauvais pressentiments, mieux vaut les suivre que les ignorer •

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...LEO...

Les yeux clos, je caresse avec une tendresse douloureuse les cordes de mon violon à l'aide de mon archer, le corps balançant au grés des notes qui s'élèvent dans la pièce, par-dessus l'accompagnement au piano. Je l'ai enregistré moi-même hier pour pouvoir jouer du violon en même temps. Au lieu d'user de ma voix, j'utilise le son enchanteur de mon instrument pour chanter Lovely de Billie Eilish. Je me laisse porter par ma musique pour évacuer les mauvais sentiments qui, depuis des semaines, me dévorent de l'intérieur. Je sens mon coeur palpiter alors que j'extériorise tout ce qui me ronge et que je n'exprime jamais avec des mots. Je laisse ces émotions néfastes s'évader par la fenêtre grande ouverte de la pièce. Ma soeur a toujours voulu que je m'inscrive dans un conservatoire pour améliorer mon don musical mais je n'ai jamais vraiment aimé jouer en public ou par devoir, bien que je fasse des efforts pour rendre heureux le frère de Rina qui veut absolument que je joue ou chante dans son restaurant. Mais faire partie d'un orchestre, très peu pour moi.

Je suis et je serai toujours une solitaire dans l'âme, plus à l'aise seule dans une pièce exiguë que debout, entourée d'autres musiciens sur une scène intimidante.

Alors que je joue, je sens tout à coup une présence dans la pièce. Je tente de ne pas m'en occuper et de continuer à jouer. Ma sœur m'écoute et ça me fait sourire. Je me concentre sur mon instrument pour faire la bonne mélodie jusqu'à la fin du morceau et lorsque j'ai terminé, j'enlève délicatement l'archer de mon violon pour ensuite essuyer une larme traitresse qui a roulé sur ma joue.

— Magnifique, fait Rose.

Je me tourne vers elle et lui souris. Elle vient s'asseoir sur le tabouret du piano et me fait signe de la rejoindre tout en caressant les touches, comme nostalgique. Je vois à son expression que quelque chose ne va pas alors, tout en lui demandant ce qui la tracasse, j'éteins mon enregistrement et m'installe à ses côtés pour entamer un morceau au piano. Elle retire ses doigts pour me laisser jouer. La Valse d'Amelie Poulain accompagne son inquiétude qui me travaille.

— Léo... si quelque chose n'allait pas, tu me le dirais ?

Je me pince les lèvres et demeure silencieuse. Je fais parler la musique pour moi. Rose fixe mes doigts qui survolent les touches. Je suis certaine qu'elle arrive à capter la douleur à travers mes notes. Je la vois; elle est crispée à côté de moi. Mais je deviens plus douce et lui jette des coups d'oeil rassurants auxquels elle répond par un sourire léger, un peu crispé.

Mais alors que j'arrive à la fin du morceau, elle me coupe en posant sa main sur la mienne. Le piano fait un drôle de bruit.

— Est-ce que tu vas vraiment bien ? Ce qu'il s'est passé et se passe avec le Virtuose doit te traumatiser...

Je grimace. Bien sûr mais j'essaye de faire avec. Après tout, je n'ai pas vraiment le choix. Le fait que les profs aient bien voulu que j'assiste à leur cours en ligne pour m'éviter de subir la curiosité, les questions déplacées et le regard des étudiants qui, bien évidemment, à cause des médias, sont tous au courant de l'identité du fameux témoin de la police, me soulage grandement. Il y a une semaine, lors de ma seconde rencontre avec le Virtuose, le Département de Police de Midnight Falls s'est presque fait attaquer par les journalistes qui voulaient absolument en savoir plus et même si les policiers ont tout fait pour que je sois importunée le moins possible par ces derniers, mon anonymat n'a pas fait long feu.