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PDV Kélia

  Les épaules affaissées par la peine, je tentais tant bien que mal de traîner Klaus à ma suite. En vain.

Ses épaules se mouvaient au rythme de ses sanglots qui m'atteignaient en plein cœur. Tant de larmes dans ses yeux, tant de douleur dans son corps...

- Allez, Klaus, le suppliai-je. Sors de là, murmurai-je d'une voix à peine audible.

Je tendis ma main vers lui en une énième tentative de le faire lever les yeux sur moi, mais elle échoua comme les précédentes. Ses doigts rencontrèrent les miens en un geste brutal. Il ne voulait pas de mon aide, trop enfoncé dans sa souffrance pour prendre réellement conscience de ce qui l'entourait.

Son attention était portée sur toute autre chose, une chose qu'il ne pouvait supporter.

Le corps de son frère qu'il venait de retrouver.

Un corps brûlé.

- Klaus...

Il se mit à se balancer d'avant en arrière, le regard hanté. Des sons inarticulés s'échappèrent de sa bouche alors que sa tête se secouait dans tous les sens, comme s'il essayait de se convaincre que ce n'était qu'un cauchemar et qu'il allait bientôt s'en extirper.

J'entendis les fragments de mon cœur brisé se répercuter en moi à cette vue insoutenable. Klaus avait toujours été si joyeux, toujours le sourire aux lèvres. Il ne méritait pas ça. Pas maintenant, ni jamais. Mais qui étions-nous pour décider de ces choses-là ? Pour avoir ne serait-ce qu'une maigre influence sur la Faucheuse ?

Nous n'étions personne. Et ça faisait tellement, tellement mal...

- Je t'en prie, chuchotai-je.

Ce qui restait de mon ami braqua son regard vide dans le mien. Un océan de noirceur, de malheur et de désespoir se déchaînait dans ses iris. C'était dans cet état que je l'avais retrouvé après son appel de détresse. Là, au côté de son petit frère, à ne pas oser toucher la peau qui recouvrait encore le cadavre.

Les lèvres tremblantes, il tenta avec difficulté de me faire parvenir quelques mots.

- Je suis endormi, pas vrai ? Sa voix était un horrible écho du déchirement qui le tiraillait.

Il déglutit avec brusquerie, étouffé par ses propres hoquets de chagrin.

- Dis-le-moi, Kélia... Il va revenir, hein ? Il- il n'est pas vraiment... comme ça... J'ai juste trop bu hier. Oui, voilà, j'ai trop bu.

Un sourire fragile commença à s'établir sur son visage, un rictus douloureux et forcé. Il ne tarda pas à s'effondrer et Klaus déposa à nouveau ses yeux sur la cause de ses gémissements plaintifs.

- Il est pas vraiment comme ça ! C'est pas possible, gémit-il.

Il agrippa violemment ses cheveux et tira dessus de toutes ses forces. Je me jetai sur lui et empoignai ses bras pour le faire lâcher prise. Mais cette dernière était forte, et Klaus était comme en transe.

- C'est pas vrai, c'est pas vrai, c'est pas vrai...

Ces mots-là, il les répéta en boucle. Une torture auditive.

- Klaus, Klaus !

À mon cri, ses yeux croisèrent les miens et il stoppa tout mouvement. Et là, sur sa joue gauche, une larme aussi légère qu'une plume, mais porteuse d'une lourde souffrance entama sa route. Elle naquit de son œil et glissa sur sa pommette, elle laissa un tracé humide sur ce faciès brisé et mourut en beauté sur ses lèvres sèches.

The Secret Wolf [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant