~17~

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Il se tendit dans la seconde qui suivit, ses biceps se contractèrent sous ce simple haut, ses lèvres se serrèrent et ses yeux remontèrent sévèrement sur mon visage afin de rencontrer mon regard.

Cette réaction corporelle m'indiquait très clairement que c'était un sujet qu'il n'aimait pas aborder, mais je fus surprise par son silence et son calme. Je le côtoyais depuis quelque temps, et même si je ne l'avais pas fait, j'aurais pu affirmer qu'Elias n'était qu'un idiot qui avait tendance à aboyer à la moindre parole.

- Comment as-tu pu avoir connaissance de son existence ? Me demanda-t-il d'une voix dénuée d'émotions. Je sais bien que t'es une Ogeneli et tout le tralala, mais ta famille n'as jamais su que j'avais une sœur, du moins ton père n'en a jamais parlé.

Je déglutis, j'avais du mal à me dire qu'Elias avait connu mon père, qu'ils avaient presque été amis. Ça me restait en travers de la gorge, et voir ce loup parler de lui n'arrangeait rien.

J'inspirai profondément et laissai mes yeux naviguer sur les vagues d'or qu'étaient ses yeux.

- D'abord une explication, et après, je te dis pourquoi je t'ai demandé une telle chose, soufflai-je.

Bryan, qui était à son côté, cilla avant de fixer son ami et posa ensuite sa main sur son bras. Si je ne l'avais pas regardé, je n'aurais pas aperçu ce geste qui avait pour but de soutenir son Alpha.

- C'était il y a bien longtemps, des centaines d'années en arrière. Alors que le sang tachait les terres de mon père, les cris de ma mère avaient percé le silence glaçant de la maison, suivis de ceux de ma petite sœur... Née dans l'horreur, en plein milieu d'une guerre et d'une famille tout sauf honorable, elle souriait déjà. Âgé de mes onze ans, elle représentait à mes yeux la lumière dans l'obscurité que j'avais toujours connue.

« La seule personne qui apportait de la joie dans cette putain de meute, alors je m'étais promis de la protéger. Je passais mon temps libre à ses côtés, à essayer de faire perdurer son rire, mon père me l'avait souvent reproché d'ailleurs.

Il pensait qu'elle ne ferait que me détourner du chemin sur lequel il m'envoyait, qu'il fallait qu'elle ne soit plus là pour que je me reprenne en main. Alors j'ai suivi toutes ses exigences, tué lorsqu'il le fallait, alors même que mon corps d'enfant ne supportait pas le poids des armes.

Je ne sais plus combien d'horreur il m'a fait faire pour être certain que je lui obéisse, mais je m'en foutais, tant que je l'avais avec moi, toujours en vie. Elle resplendissait, je lui cachai ce qu'il se déroulait à l'extérieur, je ne voulais pas qu'elle soit comme moi, que la folie de la Grande Guerre ne la touche aussi, qu'elle soit un monstre.

Les années ont passé, et je continuai de m'enfoncer dans cette envie de faire couler le sang, mon père m'avait rendu aussi fou que lui au grand plaisir de ma mère. Mais ça aussi ça ne comptait pas pour moi, ma sœur me berçait encore de sa voix durant les rares moments où je pouvais la voir, c'était tout ce qui m'importait. »

Il marqua une légère pause alors que j'assimilais ses paroles. Ma bouche était sèche, mes lèvres rouges puisque je n'arrêtais pas de les mordiller.

Je savais qu'il n'avait pas eu une vie facile. Si toutes les personnes ayant vécu la guerre avaient subi des abominations, la plupart possédaient une famille, des proches pour les soutenir.

Mais l'ennemi le plus redoutable d'Elias, c'était son ancienne meute. Celle qui l'avait fait sombrer, celle qui lui avait arraché ses rêves d'enfant, celle qui lui avait appris à faire souffrir au lieu de lui apprendre à chérir son entourage.

Je fermai les yeux en m'asseyant en face de lui, sur le sol. Je voulais entendre ses mots de près, observer ses yeux qui illustraient ses phrases par de sombres souvenirs.

The Secret Wolf [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant