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La caféine avait toujours eu le pouvoir de me réchauffer l'âme, je pris une énième gorgée avant de longuement soupirer. Je posais la tasse sur la table basse en face de moi avant de venir appuyer mes doigts sur mes yeux comme si ça allait vraiment me détendre. J'avais envie de me frapper la tête contre un mur, un mur bien dur pour faire sortir les souvenirs de mon crâne.

Impossible de se concentrer, ce n'était pas le meilleur jour pour travailler, mais je ne pouvais pas juste aller me bourrer la gueule pour évacuer. Dommage.

Qui a dit qu'être une Ogeneli était facile? On ne pouvait pas se volatiliser tout le temps où l'on voulait en pensant qu'on ne se ferait pas choper à écouter tous les petits chuchotis. Non, il fallait relire et relire des centaines de fois ce qu'on savait, prendre en compte les détails pour savoir où il était plus judicieux de se rendre, quand et qui écouter pour apprendre un maximum dans un minimum de temps.

Si auparavant il nous était largement plus évident de faire ce pour quoi nous respirions, c'était maintenant loin d'être le cas.

Le problème étant le suivant, il était impossible pour une personne étrangère à notre famille de devenir un Ogeneli, tout se passait dans le sang, dans les gènes. N'ayant pas d'enfant et de famille, j'étais la dernière bienfaitrice de la Terre.

C'était dans ces moments-là que je songeais à ma famille.

Juste six cents ans en arrière, nous étions une quinzaine dans la famille Oni, ce qui signifiait plus d'Ogeneli, donc énormément plus de possibilités. On pouvait se répartir sur tous les continents, alors chaque territoire ne devait avoir aucun secret pour les Ogenelis qui y vivaient. Les connaissances étaient alors redistribuées entre nous afin que tous sachent tout du monde.

Il n'y avait pas de prise de tête, notre nombre faisait notre force, mais tout a disparu en un écran de fumer aussi noir que les cendres des Ogenelis.

S'il y avait bien des personnes qui devaient respecter les règles, c'étaient les Ogenelis.

S'il y avait bien des loups qui ne devaient pas se montrer, c'étaient les Ogenelis.

S'il y avait bien une espèce qui se devait de ne jamais changer d'idéaux, c'était celle des Ogenelis.

Sinon ils tombaient, emportant avec eux l'équilibre même de la vie qui avait été si dur à maintenir.

C'était aussi simple que ça, clair et concis, mais apparemment pas assez pour certains...

- Pourquoi me regardes-tu ainsi, chérie?

- Parce que je sens que quelque chose va arriver aux nôtres sans que je ne puisse rien faire papa.

- Il ne nous arrivera jamais rien, je nous protégerai, je vous protégerai.

Si à ce moment là, j'avais compris ce qu'envisageait mon père, j'aurais arraché à grands coups de pelle l'idée qui germait dans sa tête.

Cependant, il était déjà trop tard, il était toujours trop tard.

- C'est quoi cette connerie que tu leur as mise dans la tête?! Je hurlais, je devenais folle, comment pouvait-il seulement penser à tout foutre en l'air !

Mon géniteur était assis dans le fauteuil de son bureau. Je ne reconnaissais pas l'homme qui pensait à ses devoirs et à respecter ses propres lois pour notre bien à tous. Je ne reconnaissais pas l'homme que j'avais toujours admiré et pris pour exemple, comment n'aurai-je pas pu le faire d'ailleurs, il émanait de lui un tel pouvoir et un tel respect pour la vie en elle-même, c'était mon papa.

Il ne pouvait tout simplement pas penser une seconde à prendre le risque de tous nous tuer.

- Baisse le ton quand tu me parles ma fille, prends le temps de comprendre ce que je propose au monde entier.

- Tu es complètement fou, tu veux notre mort, c'est le déclin des Ogenelis que tu souhaites? j'ignorais clairement ses paroles, il m'était de toute façon impossible d'y réfléchir comme une action envisageable.

Il se leva pour venir agripper mes épaules afin que je me concentre sur ce qu'il disait.

- Penses-y Kélia, un monde dans lequel plus aucune vie ne serait oubliée, si nous nous montrons au grand jour pour faire comprendre que nous sommes présents pour aider, toutes les personnes auxquelles on n'a pas pu penser pourront enfin se faire entendre, tu saisis ?

- Si nous nous montrons, les seules personnes qui viendront nous voir seront des milliers d'êtres humains ou surnaturels voulant notre peau. Parce qu'ils sauront qu'on a le pouvoir sur eux en ayant conscience de chacun de leurs points faibles.

- Tes paroles négatives m'importent peu, ce n'est pas toi qui décides, nous sommes tous ravis de cette décision, tous, sauf toi.

Je restais silencieuse, ma mère et mon petit frère étaient d'accord? Aucun retour en arrière ne serait possible, lorsqu'un choix était voté, je ne pouvais plus rien faire.

- Je te demanderais alors de ne jamais dévoiler mon existence Ethan, parce que je ne suis pas assez égoïste comme vous tous pour laisser aucun protecteur à notre terre après votre mort, murmurais-je.

Avoir prié durant des heures pour que la raison lui revienne n'avait rien changé, ils finirent tous par se montrer à toute la population, pour tous mourir quelques semaines avant mon anniversaire, détruisant alors une grande partie de mon cœur habituellement nourrie par les rires de mon frère et les sourires de mes parents.

En brassière rose et leggings noir devant un petit miroir, je regardais longuement la brûlure s'étendant sur tout mon flanc droit, nuançant ma chair de couleur rose, voire marron à certains endroits alors que ma peau était habituellement blanche. Je ne désirais pas oublier ce qui s'était passé malgré la douleur qui me serrait la poitrine dès que je fermais les yeux, à un tel niveau que j'avais l'impression de ne plus pouvoir respirer sans sentir mon organe vital se contracter sous le poids des souvenirs. Parce que c'était un rappel de ce qu'il se passait lorsqu'on décidait d'enfreindre les règles.

Ce que je ne ferai jamais peu importe la raison, je me l'étais juré, qu'importe la personne qui me demanderait de l'aide.

Je tournais sur moi-même, observant la grande pièce remplie d'étagères rouge sang du sol au plafond de tous les côtés. Ce n'était pas ma petite maison, mais le lieu le plus important que je connaissais, mon Sanctuaire. C'était ici qu'était entreposé dans ces meubles des milliers de renseignements sur chaque espèce, chaque meute, chaque plante, chaque animal que portait la Terre.

Elle ne se composait de rien d'autre qu'un canapé-lit, ma vieille table basse en bois noirci et un petit laboratoire, il n'y avait ni fenêtre, ni porte, ni aucune ouverture qui pourrait permettre à quelqu'un d'y entrer. Elle avait une grande superficie, soixante mètres carrés environ, et se trouvait au beau milieu de la forêt proche de ma maison, ensevelie sous plusieurs mètres de terre.

Aucun moyen d'y pénétrer sans avoir la capacité de se volatiliser, et encore, il fallait connaître son emplacement exacte, connu bien sûr que de ma petite personne.

Jetant un coup d'œil à toutes les feuilles posées sur ma table et mon sol, je m'assis sur ce dernier et récupérai un bilan écrit de ma main sur toutes les dernières attaques.

J'avais rassemblé tout ce que j'avais entendu et vu lorsque je m'étais rendue sur les différents lieux. Ce qui me tracassait le plus était bel et bien les traces de pattes d'alligator sur le sol, bien plus grosses qu'elles auraient dû l'être, ainsi que l'odeur qui y régnait ne correspondant absolument pas à l'animal en question. Bien plus inquiétant encore, c'était la sorte de substance liquide jaunâtre trouvée sur un cadavre, la victime semblait avoir été touchée par cette substance au vu de sa peau cramée, mais le plus hallucinant était les muscles et les os complètement rongés qui tournaient au vert kaki. Chose que je n'avais jamais vue de toute ma vie.

Les loups de Jimenez étaient arrivés trop rapidement pour que je puisse prendre un petit échantillon, alors pour en apprendre un peu plus je me devais d'aller lui rendre une petite visite secrète.

The Secret Wolf [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant