PDV Elias
Le sentiment de ne plus rien contrôler empiétait sur chaque parcelle de ma poitrine alors qu'Azrick prenait le soin de se remplir l'estomac à mes côtés.
– Tu souhaites récupérer tes enfants ?
Seul un regard gris me répondit. Je le pris pour une affirmation, tant pis s'il ne souhaitait pas parler.
– Où se trouve leur mère ?
Sa main sur le point de piquer une autre pomme de terre sautée se figea au-dessus de son assiette. Un silence s'étala entre nous mais il reprit rapidement son geste avant d'enfin me donner une réponse.
– Partie.
À sa voix je compris qu'il ne désirait pas continuer sur ce chemin. Et si les changements qu'avait opérés ma Lia en moi ne coulaient pas dans mes veines, je n'aurais pas pris en considération la résignation qui perlait dans sa voix.
– Je vois. Sais-tu seulement où se trouvent les gosses ? Fin, tes gosses.
Le bruit de sa fourchette heurtant la table résonna dans le salon de la maisonnette qui lui avait été attribué par Annae. Le loup, ne pouvant supporter l'irone qui teintait mes mots, planta son regard froid dans le mien qui l'était tout autant. À la seule différence que la colère qui baignait dans le mien s'apparentait à de la lave sur le point de couler tandis que la sienne était aussi gelée que la lame d'un couteau.
– Non, m'informa-t-il sans cligner des yeux.
– Non ? Et comment suis-je censé te rendre tes mômes si tu n'as aucune idée de l'endroit où ils sont enfermés ?
Mon ton était sec, je refusais que l'éventuel échec à retrouver ce qui l'avait maintenu au service de Victor puisse impacter mes retrouvailles avec ma louve. Parce que j'allais la retrouver et le sang éclabousserait le sol si l'on tentait de m'en empêcher.
Le regard d'Azrick glissa sur son repas abandonné avant de reprendre la parole.
– On va fonctionner de la manière suivante, Alpha, souffla-t-il en me regardant à nouveau, jugeant ma force à ma posture. Je te guide jusqu'à l'entrepôt en espérant que ta compagne ne soit pas déjà morte-
Un grognement s'échappa de ma gorge alors que des images que je refusais de voir pour que mon loup ne sombre pas dans la frénésie jaillirent dans mon esprit. Lia ensanglantée, défigurée sans aucun moyen de se défendre. Seule, sans moi.
– Ne prononce plus ses mots si tu tiens à tes cordes vocales, loup, sifflai-je, les poings appuyés sur la table qui nous séparait, les yeux brûlant de colère et de souffrance.
Le loup en question pencha légèrement son visage, m'évaluant avant de m'adresser à léger hochement de tête qui me fit rentrer les griffes.
– Donc... après avoir récupéré ta louve, nous irons combattre Victor sur son territoire même si les détails sont à travailler. À ce moment-là, j'irai à la recherche de mes enfants ou d'informations qui me permettrait de les sauver. Si j'y arrive, je veux que tu les gardes au sein de ta meute privée, nourris et protégés, le temps que tout se règle et revienne au calme.
On resta ainsi, à se regarder dans le blanc des yeux. Rares étaient ceux qui osait ordonner d'un Alpha qu'il obéisse à ses conditions. Un rictus s'étala sur mes lèvres, c'était exactement le genre d'homme qu'il me fallait pour réduire Victor en tas de chair.
– Marché ? Souris-je, mauvais.
Je ne lui tendis pas la main, seule notre parole importait.
– Marché.
Ma chaise grinça alors que je reprenais de ma hauteur, le sang coulant dans mes veines à folle allure et l'impatience de serrer à nouveau le corps menu de ma petite louve contre mon torse faisant battre mon cœur.
– Alors allons-y.
***
Cela faisait quelques heures que l'on marchait en plein milieu d'un champ qui, au vu de l'état des plantes qui avait dû y pousser, laissait à désirer quant à son entretien. Je peinais à retenir mon loup en moi qui n'avait qu'un seul désir, prendre ma place et s'élancer rejoindre celle qui était sienne et trouver celui qui l'a lui avait retiré afin qu'il devienne comme les fleurs de ce terrain, mort.
Azrick avait revêtu sa fourrure argentée et avançait devant moi, la truffe au sol. L'envie de l'obliger à se magner démangeait mes mains. Pourquoi avait-il besoin de son odorat au lieu de se rappeler précisément le chemin, merde. À peine cette pensée me traversa que le loup en face de moi se mit à prendre de la vitesse et finit par courir tout en virant vers la gauche.
Sans réfléchir une seconde plus, je me mis à le suivre, rattrapant l'écart qui s'était creusé, accompagné de Bryan et trois soldats. La menace avait beau être importante, il m'était impossible de prendre avec moi plus d'hommes qui pourraient chercher à savoir l'objectif de leur mission ou à jacqueter entre eux sur la présence d'une femme à mon côté.
Ce qui ne m'aurait pas dérangé si l'existence même de Kélia ne reposait pas sur le secret de sa vie, du moins de son rôle puisqu'elle était apparue à mon bras à quelques reprises.
Ta faute, rugit mon loup.
Je souhaitais grogner en retour, lui rappeler qu'il mourrait autant d'envie que moi de la faire nôtre aux yeux de tous, comme dans la pénombre de ma chambre. Que je rêvais depuis qu'elle était partie de poser mes lèvres sur les siennes. Mais je secouai la tête pour faire abstraction de toutes ces pensées et repris ma course.
La seule chose qui devait occuper mon esprit était de la retrouver le plus vite possible. Avant qu'il ne soit trop tard.
Je sentis quelque chose me bousculer légèrement et relevai le regard sur mon Bêta qui me fixait, les yeux froncés et je le remerciai d'un signe de tête de m'avoir permis d'échapper à mes pensées noires à la senteur métallique.
Les minutes passèrent comme des heures à mes yeux. Tout est trop lent, trop loin. Le champ laissa néanmoins rapidement place à de la terre dépourvue de toute végétation sur lequel j'apposais les marques de mon passage alors que le sentiment d'approcher du but gonflait dans ma poitrine et que mon loup salivait enfermé dans la prison qu'était mon esprit.
Azrick finit par ralentir le rythme alors que seule une route déserte qui nous séparait d'une autre parcelle de terre nous faisait face. Il reprit forme humaine et je fixai son dos en attente d'explication.
Il dût sentir mon regard puisqu'il tourna la tête en ma direction avant de regarder à nouveau devant lui en reprenant sa marche.
– Il y un sort d'invisibilité. Mais nous pouvons le traverser sans aucun problème, il est seulement là pour cacher aux yeux de ceux qui pourraient atterrir dans ce coin ce qui se déroule ici.
Fixant le point où se trouvait le loup avant d'avancer, je réalisais que Lia était tenue captive à seulement quelques heures de moi et que si ma conversation avec Azrick s'était tenue plus tôt, elle serait en ce moment même enseveli sous un tas de couvertes, entourée de ma chaleur.
Je jetai un dernier regard aux alentours avant de rejoindre le petit groupe qui s'occuperait de surveiller les environs tandis que Bryan s'assurerait que pénétrer dans l'entrepôt ne représentait aucun danger pour nous. Selon Azrick, nous ne courrions aucun risque à défoncer la porte pour que je puisse arracher la gorge de Rush, et le savoir excitait mon loup qui se montrait de plus en plus difficile à réfréner maintenant que je me situais à quelques mètres de ma louve.
Le sort était d'une finesse remarquable et lorsque je plongeai ma main à travers, la surface semblait onduler autour de celle-ci, ce qui eut le don de captiver les réflexions de mon loup une poignée de secondes avant que je ne fasse passer tout mon corps au travers. Les oreilles à l'affût, j'inspectai le bâtiment qui apparut enfin dans mon champ de vision. Comme l'avait décrit l'ancien mercenaire, la façade était d'un gris sale où la moisissure arrivait à s'accrocher sur la plomberie.
Je ravalai un grognement en sentant la mort dans l'air. Lourde, l'ambiance qui régnait sur cet endroit révulserait quiconque le voyant. Mais tout ce que je pouvais apercevoir dans ce tas de bétons, c'était la femme qu'il retenait contre son gré.
Le regard froid, j'ordonnai en un regard à Bryan de se mettre au travail, les nerfs beaucoup trop tendus pour tenter de parler, seules des menaces se déverseraient de ma bouche en l'instant. Mes yeux balayèrent le peu d'arbres présents ainsi que les grands murs à la recherche de caméra ou de capteur. Je n'en distinguai aucun dans le décor. Le salaud devait être vachement sûr de sa cachette pour ne pas l'avoir surveillé et-
– J'ai fini.
Je rivai mon regard sur la peau foncé de Bryan et haussai un sourcil.
– Rien à signaler, ce n'était pas prévu qu'on découvre sa position pour lui, parce que si l'on se réfère à ce que l'on sait, ce mec est pas du genre à être un con. Pas dans ce sens en tout cas, parce que, connard, il l'est.
J'inspirai un grand coup, sentant déjà les griffes de mon loup déchirer la peau de mes paumes alors que je faisais tout mon possible pour penser à autre chose que ce que désirai plus que tout au monde maintenant pour ne pas basculer dans un état où le peu de contrôle que j'exerçai encore sur moi-même, homme et animal, s'évaporerait.
Mais c'était presque impossible, et plus on privait la part avide de sang qui bouillait dans mes veines d'agir, plus la probabilité que je lâche tout simplement prise se faisait grande.
– Alpha, je pense qu'il serait plus..., il se racla la gorge et recula d'un pas, qu'il serait plus sage que tu restes à l'extérieur jusqu'à ce que l'on te ramène Kélia.
Je me figeai. Se foutait-il de ma gueule ? Je le souhaitais presque parce que j'étais sur le point de lui déboiter la mâchoire pour ce qu'il venait de dire. Mon loup montra les crocs en moi, voulant mettre à terre ce qu'il considérait comme un obstacle entre lui et Lia.
Mon coeur fut la seule chose que j'entendis alors que j'avançai d'un pas, celui qu'avait fait Bryan pour s'écarter de la menace que j'incarnai. Peu importait pour moi qu'il soit une des seules personnes à qui je vouerais ma vie s'il le fallait. Mais alors que la fureur se déversait dans chaque membre de mon corps et que mes dents grincèrent, l'envie de voir son sang maculer son visage me faisait jubiler.
Les poings serrés, prêts à blesser, je le prévins :
– Ose encore une fois essayer de me mettre de côté et-
Un bruit assez fort pour nous atteindre s'échappa de l'intérieur de l'entrepôt et mon loup, profitant de mon moment de déconcentration, se glissa dans mes veines et je ne m'évertuai pas à le remettre à sa place, au contraire, je le laissai avec plaisir prendre possession de mon corps, sachant qu'aucun des sentiments qui m'habitaient ne l'entraverait dans son objectif.
En un rien de temps, je me retrouvai devant la grande porte en métal que j'ouvris à forts coups d'épaule répétés, la folie prenant le contrôle de chacun de mes gestes et je ne fus préparé à ce qui suivit l'instant où la porte céda et alla s'écraser contre mur. La première chose que je sentis dans l'air ambiant fut l'odeur du sang. Son sang.
Je n'eus pas le temps de comprendre comment que je me retrouvais sur les quatre pattes de mon loup, la bave dégoulinant de ses canines aiguisées alors qu'il fonça en avant, son odorat comme seule direction alors que dans mon dos la voix de Bryan et ses grognements s'enchaînaient sans que je n'y prête la moindre importance.
Je renversai tout ce qui se trouvait sur mon passage, mon loup rugissant à chaque objet qui le ralentissait dans sa course alors que l'on s'approchait à grande vitesse d'un couloir d'où deux respirations s'évadaient et, tandis que la distance me séparant du lui se réduisait, je perçus de mieux en mieux celle qui appartenait à ma louve. Saccadée et entrecoupée de hoquet.
Elle pleurait.
La seule constatation de ce fait et l'image de ses larmes qui roulaient sur sa peau blanche suffirent à rendre mon animal encore plus fou qu'il ne l'était déjà et lorsqu'on atteint le corridor, une porte ouverte apparue, renfermant celle qui me complétait.
Mon loup redoubla d'efforts alors qu'une silhouette surgit dans l'encadrement. La vue du crâne recouvert de tatouage et la senteur ma petite louve bien plus forte fit perdre toute retenue à mon loup qui s'élança sur l'homme qui écarquilla les yeux, sans doute pour la première fois, n'étant pas prêt à voir l'imposant animal à la fourrure marron se jeter sur lui.
Je fis fit des pas qui résonnaient autour de moi et mélangeai mes mouvements à ceux de mon loup. Dans une compréhension parfaite de l'un et de l'autre que nous n'avions plus ressenti depuis des centaines d'années, nous plongeâmes nos crocs dans le cou de Rush.
La peau se déchira sous notre force, un liquide rougeâtre se rependit au sol. Les cris de souffrance finirent par fuser dans le silence qu'avait provoqué le spectacle que l'on offrait. Nos griffes creusèrent des failles dans le corps qui avait causé tant de mal à celle qu'on aimait. Ma fureur explosa dans toute sa splendeur, les morceaux de chair formèrent un tapis sur lequel mon loup rêvait de se rouler dedans, les os se brisèrent en autant de morceaux que l'avait été mon cœur, les yeux qui hantaient tant de souvenirs de Lia se transformèrent en billes de sang.
Et nous finîmes le travail qu'avait entrepris notre compagne la première fois qu'elle avait échappé à son emprise.
Nous lui arrachâmes ce qu'il ne méritait pas de jouir. Une vie.
– Elias...
Chaque cellule de notre corps réagit à cette voix éraillée, porteuse d'un espoir qu'elle n'osait concevoir alors que nos poils se dressèrent tout le long de notre échine.
Le cœur encore chaud de Rush compressé par nos mâchoires, les yeux de l'animal et de l'homme plongèrent dans ceux d'un vert hypnotisant de celle qui disposait de mon âme tout entière.*****
Totalement en retard mais bon ! Here it is, je tiens à vous souhaiter bon courage pour tous les chapitres à venir, après une longue pause j'ai tout perdu dans la manière d'écrire et j'ai énormément de mal à retranscrire les choses sans longueurs inutiles qui me saoulent plus qu'autre chose. Donc courage, je suis vers le chapitre 68 et je commence, peut-être, enfin à retrouver une écriture plus fluide et où j'arrive à pas me perdre. Fin j'espère.
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The Secret Wolf [EN PAUSE]
FantasyKéliana Oni descend d'une famille de loup se devant d'être invisible aux yeux de tous. Elle est une Ogeneli, elle se doit de tout savoir, tout entendre, tout voir, tout sentir et d'agir lorsqu'il le faut. Elias Jimenez, Alpha connu de tous pour son...