Chapitre 12 (1/2)

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Une nouvelle vie commence toujours dans la douleur.

Point de Vue Victoire — 27 janvier 2078

Cela faisait trois mois que j'étais dans ce foutu centre. La nourriture était immangeable, que ce soit au goût ou à la texture. Les conditions de vie étaient sommaires, les sanitaires n'étaient pas nettoyés et les chambres n'en étaient pas. Les lits superposés ne possédaient qu'une planche et un simple drap. Nos geôliers voulaient nous tuer psychologiquement.

C'était trop facile de nous tuer d'une balle.

Surtout qu'ils voulaient nous contrôler, sans qu'on sache réellement pourquoi. Les rumeurs racontaient que dès qu'on leur semblait assez faibles mentalement et physiquement, ils nous posaient une seule question : « Voulez-vous faire partie des nôtres ? »

Si on disait non, ce que la plupart d'entre nous répondions ici, ils nous réincarcéraient dans le centre, si l'on acquiesçait, on nous emmenait dans une autre pièce capitonnée.

Personne ne savait ce qu'il se passait dans cette pièce.

D'ailleurs, on – ceux qui osaient en parler, – ne l'évoquait jamais que sous le nom de « La Pièce, » et très rarement. On ne voulait pas s'attarder sur l'inconnu. On se concentrait sur chaque jour, personne ne voulait subir la fameuse question.

Tout le monde était épuisé et voulait en finir, mais abdiquer était impensable. Tous ici étaient ce qu'on pourrait appeler des ennemis publics : des anarchistes, des hauts potentiels, des opposants aux lois imposées... On devait être des milliers, ici. Des grands, des petits, des vieux, des jeunes, des chauves, des chevelus, de toutes ethnies et religions du monde. Étaient-ils seulement tous français ? Si ce n'était pas le cas, comment étaient-ils arrivés jusque-là ?

Les gens avaient très vite noué des liens et monté des clans, ou ce qui s'en approchait, on était tous dans le même bateau, mais on avait différentes manières de vouloir s'en sortir. Ça créait souvent des bagarres qui finissaient mal, souvent des blessés, parfois des morts. Même là, il n'y avait aucune dignité : nos surveillants souillaient les cadavres de façon dont la simple évocation était révoltante.

On se battait pour que nos défunts soient traités décemment, mais on avait juste droit à un sourire moqueur et un regard dédaigneux de la part de nos geôliers. Je serrai les poings à cette pensée. C'était toujours aussi révoltant, même après trois mois passés ici, je ne m'y faisais toujours pas.

Au demeurant, il n'y avait pas que ces agissements sordides auxquels je ne me faisais pas, je pensais que le tout, en général, me laissait un peu coite. Dès le début, ça avait été un véritable chaos dans ma tête. Lorsque monsieur Mylost avait mis fin à sa menace, que toutes les personnes présentes m'avaient bien détaillée de la tête aux pieds, j'étais partagée entre mon esprit qui me suppliait de fuir et mon corps qui refusait de bouger, jusqu'à même m'empêcher de respirer. Je ne savais combien de temps dura mon apnée, mais suffisamment pour me donner une méchante migraine. Il avait souri de toutes ses dents en voyant mon air contrit, sachant pertinemment qu'il me faisait souffrir ainsi. J'avais envie de lui sauter à la gorge et de l'étriper. Seulement, je vis du coin de l'œil des gardes armés. Pas les balaises qui m'avaient emmenée, mais de véritables soldats. J'avais frissonné.

— Tu as peur, Brian ? Moi qui pensais que tu ne craignais pas l'autorité, fit-il avec un sourire carnassier. Tu as bien aimé ma rumeur ? C'est bizarre que beaucoup de gens y aient cru, non ? Pourtant, ils te connaissent bien, pour la plupart... Ah, c'est bien les pots-de-vin, tu ne crois pas ?

Ma fureur s'infiltra dans mes veines en une fraction de seconde, si je n'avais pas déjà une raison de le détester, c'était chose faite. J'étais sûre que l'on pouvait voir des flammes dans mon regard, mon sang pulsait contre mes tempes. Là, sous l'adrénaline, j'étais plus lucide que ces derniers mois réunis et j'avais une envie irrépressible de lui éclater la tête sur les murs par tous les moyens. Je me levais du fauteuil et restai droite, malgré les tremblements que je sentais dans les jambes. Je m'éclaircis la voix et parvins à glisser entre mes dents serrées.

Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant