Ce ne sont pas toujours les gens de votre famille qui vous aiment le plus. De parfaits étrangers sont parfois de meilleurs soutiens que les proches.
Point de vue Victoire – 6 mai 2081
Les semaines passèrent comme des années et j'avais accepté le sort qui était le mien. Amélia, la gentille petite blonde, m'aidait à passer le temps quand je parvenais à me réveiller lorsqu'elle s'occupait de moi. Le produit pour m'endormir devenait de moins en moins efficace, — sûrement à cause de l'accoutumance– et nous passions du temps ensemble sans forcément discuter. C'était ainsi que j'avais découvert comment on me nourrissait et me lavait.
Pour manger, j'avais toujours les pilules nutritives, mais quand je ne m'alimentais pas seule, j'avais le droit à la même formule sous forme liquide en intraveineuse, ce qu'on appelait communément la nutrition parentérale : dextrose, lipides et autres minéraux m'étaient injectés directement dans la jugulaire, perçant mon cou sans pudeur.
Pour la douche, je ne savais pas comment ils faisaient ça. Certainement qu'ils m'endormaient et qu'ils faisaient ma toilette tant que j'étais sédatée. Ils me débarrassaient également de mes selles et urines, sans que je ne sache par quel stratagème, car je n'avais ni sonde, ni protection supplémentaire.
— Comment faites-vous ? Je veux dire pour que malgré le fait que je sois enfermée, je suis propre et que je n'ai pas besoin d'aller aux toilettes ? avais-je demandé à Dpékan pour savoir.
— Je crois que tu le sais déjà, chère Victoire. Maintenant, je dois te laisser, on se retrouve au prochain conte, d'accord ?
— Non ! avais-je supplié après que l'écran se soit éteint. Restez !
Ce fut lors d'un moment d'inadvertance de la part d'Amélia que je compris que j'avais raison. J'ouvris donc les yeux sur Amélia, la jeune agent de Dpékan qui avait pris soin de moi lors de l'incident avec Malo. Je m'étais demandé pourquoi j'étais près d'elle ce jour-ci, car je n'avais subi aucune séquelle après Malo. Elle paraissait, heureusement, complètement dans son monde, elle chantait même. Le choix de la chanson était osé, en plus du fait de la chanter, puisque c'était interdit depuis la loi de 74.
— Je suis une dure à cuire, fredonna-t-elle.
Je souris tandis qu'elle appuya sur quelques boutons, une machine se lança et un jet de vapeur m'effleura la peau. C'était ainsi qu'ils me nettoyaient ? Je sentis ma peau être libérée des impuretés et que je paraissais moins sale. Tant physiquement que moralement. J'avais encore sur la conscience la mort de trois de mes amis.
Me sortant de mes pensées, un autre mystère s'expliqua lorsqu'un second appareil me vida de toutes sécrétions. Je comprenais maintenant comment ils faisaient pour nous maintenir dans un semblant de dignité. De ne pas nous laisser pourrir dans nos selles et dans la crasse qui aurait pu s'accumuler sur notre peau. Pour ça, je changerais légèrement mon jugement sur Dpékan si je n'étais pas actuellement son pantin. La petite blonde, une fois son travail achevé, daigna poser le regard sur moi. D'abord, ne notant pas mon éveil, elle finit par sursauter, complètement affolée.
— D-Depuis combien de temps es-tu réveillée ? me questionna-t-elle avec un très léger stress dans la voix.
— Depuis assez de temps pour t'entendre fredonner, joli choix de chanson d'ailleurs, la complimentai-je.
— Chut ! Si Dpékan apprend ça, je suis morte !
— Ne t'en fais pas, je suis dans le même bateau, et puis à quoi cela me servirait de te dénoncer ? Il ne muera pas sa peine parce que je lui ai avoué qu'une de ses agents déroge à ses règles. Et puis, je ne suis pas comme lui, si je peux te sauver de ses griffes, je le ferai, même si tu es dans son camp. Ce n'est pas toi qui décides et je ne le sais que trop bien... J'ai dû tuer ma meilleure amie pour lui et ne pas risquer mon travail... Et maintenant, je vais devoir décimer ma famille, car il me fait pression. Ne t'en fais pas pour ça, je te retiendrai plus pour le fait que tu rendes ma vie plus agréable ici que pour le fait que tu sois sous ses ordres.
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Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.
Science FictionEn 2027, voilà maintenant cinquante ans, les gouvernements de tous les états se sont unifiés. Ils dirigent ensemble une sorte de parlement, qui a décidé, à l'unanimité, que le progrès était néfaste pour notre société, et qu'il fallait donc l'abolir...