Chapitre 18 (1/2)

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L'homme qui réclame la liberté, c'est au bonheur qu'il pense.


Point de Vue Victoire — 09 février 2078

Je laissai le silence planer, lui offrant le temps de se reprendre et, pour moi, d'intégrer tout ce qu'il venait de dire. C'était intriguant de connaître toute la vie d'un inconnu. Oui, j'avouais ce n'était pas vraiment bien...

— J'ai toujours été fan de musique depuis tout petit... J'ai baigné à peu près dans tous les styles grâce à ma mère et mon père. Puis quand la loi de 74* est passée, c'était fini... On a enterré tous nos CD, vinyles, cassettes audio dans une malle sous le jardin et le monde en a fait de même. Plus personne ne devait écouter de la musique si ce n'était pas de la musique classique, les paroles avec ses textes à double sens et à messages cachés étaient bannis... Jugées comme illégales. Ça a désolé tout le monde, mais ils s'y sont faits avec le temps.
Mais pas moi... J'étais né dans une période où la bonne musique perdurait**, je ne voulais pas la perdre. Alors, à l'abri des regards, je faisais des sortes de mini-soirées dansantes avec deux, trois potes...

Il était vrai que j'avais pu mener également quelques actes de rébellion musicale mais jamais de cette ampleur. Tout ce qu'il avait dit était vrai. Je me souviens de cette période, où les policiers et gendarmes, qui étaient nos amis pour la plupart, avait été contraints de nous enlever tout ça. Toute cette bonne culture musicale. Ce jour-là j'avais pleuré, c'était juste après notre concert au Zénith avec la chorale. Je ne disais pas que la musique était ma vie, mais elle en faisait partie d'une manière prépondérante. Je chantais H 24 et écoutais de la musique tout autant. Passer à la musique classique avait été un déchirement, mais je m'y étais plus où moins faite. De toute façon, il n'y avait eu que deux options : combattre ou subir. Je vous l'avais dit, j'étais lâche. Je soupirai et je sortis de mes pensées en secouant la tête. Il m'observa et, lorsqu'il, vit que j'étais attentive, il commença à jouer avec son pendentif de bestiole décharnée et poursuivit.

— Tu sais ce qu'est la hardmusic ?

— Non, avouai-je après un moment de réflexion.

— C'est un genre musical qui prend sa source dans la musique électronique et certain tempo peuvent aller jusqu'à mille battements par minute si on veut... Je suis très fan de ce genre-là et c'était quasiment que des musiques de ce style-là qui passaient sur mes enceintes durant mes fêtes illégales. Bien sûr, ce n'est pas que de l'instrumental et des basses, ce n'est pas que de la musique, il y a des tracts, – c'est comme ça qu'on appelle les "chansons" hard– qui ont des paroles. Mais, le plus souvent, elles sont juste là pour chauffer l'auditeur ou marquer le coup. C'est comme un accompagnement si tu veux, sauf qu'au lieu d'instruments qui accompagnent les voix, ce sont les cœurs qui se conjuguent à la mélodie.

— Je suis autant, voire plus dégoutée que toi que nos musiques préférées aient été ainsi censurées. J'avais l'habitude de fredonner des airs que j'aimais bien, j'ai même été choriste... C'est quoi l'excuse qu'ils ont servi pour censurer ton genre ?

— Tu veux dire malgré les manifs qu'on a faites pour prouver que les paroles n'étaient en aucun cas là pour engager de nouveaux adhérents dans le terrorisme ? Tu l'auras compris les gouvernements avaient jugé le style beaucoup trop violent... J'ai jamais vraiment compris pourquoi, ce sont des musiques comme les autres, alors certes ça peut faire bouger, mais c'est tout quoi... Comme si des basses pouvaient faire mal !

— Techniquement ça peut, vu que ça touche le système respiratoire et cardiaque au niveau de la fréquence, intervins-je sans pouvoir m'en empêcher.

— T'as réponse à tout, un-mètre-moins-vingt, t'en ai presque chiante...

Il soupira, peiné. Au moins, il avait dit « presque », cette fois, ça voulait dire que je remontais dans son estime ? Oui, je vous voyais venir, ça me rendait heureuse de pouvoir parler tranquillement de tout ça. Avec les garçons au centre, on n'avait pas parlé de ces lois sordides. Ça nous déprimait de penser au dehors et à tous ceux qu'on avait laissé derrière nous. Or, avec Eydan, c'était presque facile de vider ce qu'on avait sur le cœur, comme si... Comme si on s'était toujours connus. J'étais sûre que vous voyez ce dont je parlais. Cette même sensation que l'on a avec son meilleur ou sa meilleure amie de toujours. Il redressa la tête, toujours son collier en métal dans la main. J'osai une question qui me taraudait depuis notre cachette en feuille.

Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant